Que l’homme ne fût pas libre de décréter l’uniformité de tel mouvement arbitrairement choisi, de décider que ce mouvement sera son horloge et lui servira à définir le temps, Guillaume d’Ockam n’était pas, au xive siècle, le seul philosophe qui le pensât.
Pierre Auriol, par exemple, enseignait, au second livre de son Commentaire sur les Sentences que le temps était le glissement, le flux d’un certain instant présent, unique et identique à lui-même ; il ne pouvait donc admettre que le temps ne fût pas chose unique et déterminée, qu’il y eut autant de temps distincts que de mouvements, et que, parmi ces temps, l’homme fût libre d’adopter celui qui lui convenait le mieux.
Rien d’arbitraire non plus dans le temps tel que le concevait François de Mayronnes ; le temps, disait celui-ci[1], est un rapport, « mais ce ne peut être un rapport à l’égard d’aucune créature, car lors même qu’il n’existerait qu’une seule créature, il y aurait un avant et un après. J’admets donc que le temps est le flux d’une présentialité (præsentialitas) à l’égard de Dieu, comme nous avons dit du lieu » qu’il est une certaine présentialité à l’égard de Dieu.
La pensée qu’on peut, à chaque mouvement, attribuer un temps, distinct d’un mouvement à l’autre, commence à se manifester dans les Questions de Jean le Chanoine. Celui-ci distingue[2] deux sortes de temps : Un temps commun et général, qui est unique, et des temps particuliers, qui sont multiples. Le temps commun et général, mesure extrinsèque de tous les mouvements, c’est le mouvement premier qui règle tous les autres, le mouvement du premier mobile. Quant aux temps particuliers et spéciaux, il y en a autant qu’il y a de mouvements ; à chaque mouvement correspond une succession propre d’états, d’avant et d’après ; partant, a chaque mouvement correspond un être suc-