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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

C’est pour rendre claire cette pensée que François compare le temps au lieu.

« Comment le lieu et le corps logé se comportent-ils à l’égard l’un de l’autre ? Un lieu, ce n’est pas un volume (quantitas) permanent considéré d’une manière absolue ; c’est cette quantité considérée comme jouant le rôle de logis ; de même, une chose n’est dite logée que si elle joue le rôle de contenu. Le terme : lieu outre l’idée de volume, exprime un rapport de contenant à contenu ; et le terme : corps logé exprime semblablement un certain rapport de ce corps à son lieu

» J’en dis autant du mouvement et du temps. De même, en effet, que, parmi les quantités permanentes on peut considérer une quantité plus grande qui contient et une quantité plus petite qui est contenue, de même, parmi les quantités successives, on peut se donner une quantité qui contient et mesure et une autre quantité qui est contenue et mesurée.

» De même, donc, qu’on n’appelle pas lieu n’importe quel volume, mais un volume plus grand considéré par rapport au volume plus petit qu’il contient, de même on appelle temps non point tout mouvement, mais précisément celui qui est uniforme et qui est la mesure de tous les autres. Voilà aussi pourquoi le temps est appelé le nombre du mouvement, que cette énumération ait lieu dans la réalité extérieure à l’âme ou seulement à l’intérieur de l’âme.

» Voici donc ce que je dis : Quand on nomme : lieu un volume permanent, on ne le considère pas par rapport à lui-même, mais par rapport à d’autres volumes qu’il contient. De même, lorsqu’on appelle : temps le mouvement du premier mobile, on ne le considère pas par rapport à lui-même ; on le considère par rapport à d’autres mouvements, par rapport aux mouvements inférieurs qu’il mesure.

» Considérés dans leurs fondements, [qui sont deux corps], le contenant (locus) et le contenu (locatum) sont de même espèce ; mais formellement, au point de vue de la relation que chacun d’eux présente à l’égard de l’autre, ils sont de raison différente ; j’en dis autant du temps et du mouvement. »

Après avoir exposé fort clairement cette doctrine, François entreprend de résoudre une difficulté qu’il était classique d’opposer, dans les discussions d’école, à cette proposition : Le temps est un mouvement. Cette objection, il l’avait formulée dans les termes que voici :

« Des choses qui ont des propriétés (passiones) distinctes et