que nous venons de citer, chasser toute obscurité. Désormais, la pensée de Guillaume d’Ockam se montre clairement à nous. De même qu’il rapportait tous les mouvements locaux à un repère absolument fixe purement conçu par notre raison, de même, il mesure le temps à une horloge purement idéale que notre esprit construit aussitôt qu’il perçoit un mouvement ou un changement quelconque. C’est en lisant le temps à cette horloge idéale, ce temps que Duns Scot eût appelé le temps potentiel, que l’homme a reconnu l’uniformité du mouvement diurne et, partant, qu’il a pu observer ou construire des horloges visibles.
Mais comment l’homme s’y est-il pris pour comparer le mouvement de la sphère suprême aux indications de cette horloge purement conçue ? Et comment s’explique cet accord entre l’horloge que notre âme a la faculté de penser aussitôt qu’elle a perçu quelque mouvement, et l’horloge corporelle qui est au Ciel ? Ces embarrassantes questions, le Venerabilis inceptor les laisse sans aucune réponse ; on ne voit même pas qu’il ait songé à se les poser.
Un franciscain, contemporain de Guillaume d’Ockam, partisan des opinions religieuses soutenues par Ockam et par Michel de Césène, a clairement affirmé le principe qui dirigeait implicitement la théorie du temps admise par le Venerabilis Inceptor ; entre le temps et le lieu, il y a, au dire de François de la Marche, la plus étroite analogie.
Dans ses Questions sur les Sentences, François de la Marche se demande « Si le temps diffère du mouvement[1]. » La réponse qu’il donne ne diffère pas essentiellement de celle que donnait Ockam. La notion de temps n’implique pas seulement l’idée du mouvement ; elle implique en même temps un certain rapport du mouvement qu’on nomme temps à un autre mouvement qui est mesuré par le premier ; en sorte que ce qu’on nomme temps, ce n’est pas n’importe quel mouvement ; c’est un certain mouvement uniforme considéré comme mesure des autres mouvements.
- ↑ Liber Secundus Sententiarum Magistri Francisci de Marchia ; quæst. IV : Utrum tempus differat a motu. Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 3071, fol. 84. col. a.