Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Ainsi donc, le point n’est pas nécessaire pour que la grandeur ait un terme.

» Qu’il ne soit pas non plus nécessaire pour que la grandeur soit continue, on le prouve facilement. En effet, qu’une partie d’une grandeur soit en continuité avec une autre partie, qu’elles constituent, à elles deux une grandeur une par elle-même, ce n’est point lui-même avec une partie d’une grandeur ou avec plusieurs telles parties : et cependant, ils ne supposent pas que pour faire, avec une partie de grandeur, une chose une par elle-même, un parties de grandeur pourront aussi aisément, que dis-je ! bien plus facilement, puisqu’elles sont de même nature, constituer, à elles deux, une chose une par elle-même. »

Comment peut-on, tout en niant l’existence réelle de tout point, de toute ligne, sauvegarder cependant la Géométrie ? C’est ce que va nous dire Grégoire de Rimini[1] :

« Ces noms de ligne, de surface, de corps peuvent être pris en deux sens différents.

» En un premier sens, ils signifient des grandeurs véritables existant réellement hors de l’âme.

» En ce premier sens, ce qu’on nomme ligne, surface et corps, c’est une même grandeur, mais considérée à des points de vue (rationes) différents. Cette grandeur, on la nomme ligne en tant qu’elle est étendue selon une certaine dimension ou selon une certaine différence de situation ; en tant qu’elle est étendue selon deux dimensions, on la nomme 'surface, et corps en tant qu’elle est étendue suivant trois dimensions. Or toute grandeur qui existe hors de notre âme est étendue à la fois selon une dimension, selon deux dimensions et selon trois dimensions ; il n’en est aucune qui soit étendue seulement suivant une ou deux dimensions.

» … Donc, si l’on prend les mots en ce sens, toute ligne est, en même temps, surface et corps, et on en peut dire autant, mutatis mutandis, de la surface et du corps…

» Les auteurs disent : La ligne est une grandeur qui n’a d’étendue que suivant une seule dimension. Mais, d’après ce qui vient d’être dit, l’exclusion qui est ici formulée n’entend pas signifier que cette chose réelle qui est une ligne n’a pas d’extension suivant plus d’une dimension ; elle signifie que la définition de la ligne n’implique pas que cette chose soit étendue suivant plusieurs

  1. Grégoire de Rimini, loc. cit. ; éd. cit. fol. XXXVII, coll. b, c et d.