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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Ce passage semble affirmer de la manière la plus claire qu’il existe ici-bas un mouvement régulier et uniforme bien déterminé qui est le temps véritable et par lequel est mesuré le mouvement même du Ciel, aliquis motus inferior, qui est regularis et uniformis, est tempus et mensura motus cœli.

Si nous lisons maintenant la réponse d’Ockam à cette question[1] : « Y a-t-il quelque mouvement d’ici-bas qui soit le temps ? » nous éprouverons une impression toute différente,

« À cette question, je réponds : On peut appeler temps tout mouvement d’ici-bas dont la connaissance nous permet d’atteindre la connaissance de quelque mouvement céleste qui nous était inconnu au préalable.

» Une multitude d’expériences rendent cette conclusion évidente. Ainsi lorsque le mouvement d’une horloge nous est connu, nous pouvons, à l’aide de ce mouvement, mesurer le mouvement du Soleil et nos propres opérations, surtout lorsque nous avons reconnu que ce mouvement de l’horloge est uniforme et régulier ; celui qui possède une horloge sait combien le Soleil a parcouru de son cercle, même si le Soleil est caché par les nuages ; mais celui qui fait une horloge mesure également le mouvement de l’horloge à l’aide du mouvement du Soleil. Celui qui fait une horloge peut encore ordonner le temps de la manière suivante : Pendant que le premier mobile accomplit le mouvement diurne, l’horloge parcourt son cadran. Il mesure ainsi le mouvement de l’horloge à l’aide du mouvement diurne. Le mouvement de l’horloge une fois connu, il peut ensuite s’en servir pour mesurer les autres mouvements, tels que le mouvement diurne et le mouvement du Soleil ; par conséquent, chacun de ces mouvements peut être appelé temps à l’égard de chacun des autres.

» De même, quelqu’un qui connaît la grandeur d’une certaine force motrice et qui sait quel espace elle a franchi, peut, sans considérer le mouvement du Ciel, savoir quelle fraction de son mouvement le Ciel a parachevée et combien de temps s’est écoulé. Qu’on sache, par exemple, combien un cheval peut faire de chemin en une journée ; soit trente milles ; si, sur ce cheval, le cavalier a parcouru trente milles, en évaluant la longueur du chemin parcouru par sa monture, il peut savoir combien de temps s’est écoulé ; il ne le saurait pas s’il ne savait la longueur du chemin parcouru par ce cheval.

  1. Guglelmi de Okam Op. laud., quæst. XLIII : Utrum aliquis motus inferior sit tempus ; ms. cit., fol. coll. b et c.