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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

qu’une autre quantité, il faut que les parties de l’une aient même grandeur, même rapport que les parties de l’autre, en un mot, qu’elles soient aussi les mêmes. Si donc le mouvement et le temps sont identiques, les parties du temps seront égales et identiques aux parties du mouvement comme il vient d’être dit. Mais cela est faux. En effet, si le mouvement du Ciel était deux fois plus vite qu’il n’est, le Ciel accomplirait en une heure le mouvement que, maintenant, il accomplit en deux heures ; les parties de ce mouvement auraient la grandeur même qu’elles ont maintenant ; elles ne seraient donc plus égales aux parties du temps, puisque le mouvement qui se fait maintenant en deux heures se ferait alors en une heure, c’est-à-dire en moitié moins de temps ; dès lors, si le temps et le mouvement étaient identiques, le mouvement de deux heures serait la même chose qu’une heure ; la partie serait égale et identique au tout.

» À cela, je réponds : Le temps est identique au mouvement, et les parties du temps sont identiques aux parties du mouvement ; que le temps soit un mouvement vite ou un mouvement lent, il en est ainsi…

» Si le mouvement du Ciel devenait deux fois plus vite, il se ferait en la moitié du temps durant lequel il s’accomplit maintenant, car un certain mouvement d’ici-bas, qui est régulier et uniforme, est temps et mesure du mouvement du Ciel (quia aliquis motus inferior, qui est regularis et uniformis, est tempus et mensura motus cœli) ; si donc le mouvement du Ciel devenait deux fois plus vite qu’il n’est maintenant, il coexisterait à une succession deux fois plus petite[1] du mouvement régulier et uniforme par lequel est mesuré le mouvement du Ciel : et si le mouvement du Ciel devenait deux fois plus lent que celui qui existe à présent, il coexisterait à une succession deux fois plus grande [de ce même mouvement régulier et uniforme]. Ainsi, un mouvement deux fois plus vite du Ciel s’accomplirait en deux fois moins de temps que celui qui se fait maintenant. Mais il n’en résulte pas qu’une partie soit égale au tout ; en effet, la partie du mouvement uniforme considéré qui mesure le mouvement du Ciel devenu plus vite est moindre que la succession totale [de ce mouvement uniforme] et moindre aussi que la partie de cette succession par laquelle est mesuré le mouvement du Ciel, tel qu’il est maintenant : elle est deux fois moindre que cette dernière ; la partie n’est donc point identique ni égale au tout. »

  1. Au lieu de : minori, le ms. porte : majori.