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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

tion : Le temps, c’est une horloge ; Ockam, au contraire, avait formulé cette proposition : Le temps, c’est une horloge, et une intelligence qui se sert du mouvement de cette horloge pour mesurer les autres mouvements.


X
Le temps selon Guillaume d’Ockam (suite).
L’horloge absolue


Cette différence va se marquer bien plus profondément dans ce qu’Ockam dit du choix de l’horloge, c’est-à-dire du choix du mouvement qui servira de mesure aux autres mouvements, du mouvement qui, par définition, sera le temps.

Que faut-il pour qu’un mouvement puisse servir à mesurer la durée des autres mouvements, pour qu’il soit le temps, pour qu’il serve d’horloge ? Il faut et il suffit, nous dit Grégoire de Rimini, qu’il soit continu et régulier — disons uniforme pour suivre la manière de parler maintenant usitée. À cette affirmation, Grégoire n’ajoute aucun commentaire ; elle requiert cependant des éclaircissements.

Que signifie cette phrase : Tel mouvement est uniforme ? On peut, suivant l’école philosophique à laquelle on appartient, lui donner deux sens entièrement différents.

En un premier sens, voici ce qu’elle signifie : Indépendamment de toute intervention de l’esprit humain, il existe, dans la nature, des mouvements qui sont uniformes ou, au moins, un mouvement qui est uniforme ; il existe aussi des mouvements qui ne sont pas réguliers ; tout le rôle de l’esprit humain consiste à rechercher, parmi les mouvements observables, quel est celui ou quels sont ceux qui sont uniformes ; il est alors tenu de prendre celui-là ou un de ceux-là pour définir le temps ; il y a une horloge ou des horloges imposées à l’homme par la nature.

Mais cette phrase : Tel mouvement est uniforme, est susceptible d’un tout autre sens. On peut admettre qu’avant l’intervention de l’esprit humain, elle ne signifie absolument rien. L’homme est libre de choisir comme il lui plaît le mouvement continu dont il se servira pour définir le temps, le mouvement qui deviendra son horloge ; ce mouvement-là sera alors uniforme par convention, et il en sera de même de tous les mouvements qui, à l’observateur, se montreront réglés sur le premier. En cette seconde