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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Je réponds que le Commentateur parle ici du temps en le considérant comme une quantité continue qui a été mesurée et réduite en nombre. »

C’est ici qu’Auriol trouve une très légitime occasion d’user de la distinction qu’il a établie entre le temps pris en lui-même, avant toute mesure, et le temps mesuré.

« Comme quantité mesurée et réduite en nombre, le temps est relatif au premier mouvement qui en est le sujet propre. »

Le mouvement du premier mobile, en effet, « possède[1] tout ce qu’il faut pour être une mesure précise, pour permettre de dénombrer d’une manière uniforme les parties successives des autres mouvements. Donc, l’avant et l’après ne joueront le rôle de nombres fixes, ne seront mesurés que s’ils ont pour fondement le mouvement du premier mobile. »

Les qualités qui rendent ainsi le mouvement du premier mobile capable, et seul capable de mesurer le temps, c’est que ce mouvement est circulaire, uniforme et que tous les hommes peuvent le bien connaître.

« Si donc vous voulez réduire l’avant et l’après à des durées exactement fixées, si vous voulez les ramener au nombre, il est nécessaire que vous le fassiez, d’abord, pour le mouvement du Ciel, et que vous preniez le temps comme une quantité déterminée d’une manière précise par le mouvement du Ciel. »

Lorsque Guillaume d’Ockam commença d’enseigner, deux puissantes influences s’exerçaient dans l’ordre de Saint François : celle de Jean de Duns Scot et celle de Pierre Auriol. Or, au sujet du temps, l’enseignement de Duns Scot et celui d’Auriol s’accordaient en nombre de points ; nous ne nous étonnerons pas que ces points aient vivement attiré l’attention de Guillaume d’Ockam.


IX
Le temps selon Guillaume d’Ockam


« Le temps, dit Guillaume d’Ockam[2], est la mesure des mouvements dont la grandeur nous est inconnue ; c’est, par le temps, en effet, que nous reconnaissons la longueur (gunnidiuj d un mou-

  1. Pierre Auriol, loc. cit., p. 4 a, col. a.
  2. {{sc|Gulielmi de villa Hocham} Summulæ in libros Physicorum, pars IV, cap. III ; éd. Venetiis, 1506, fol. 24, col. b.