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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

staret, ignis in stupam non ageret, quia nec tempus[1] esset. » Mais l’Évêque de Paris avait également anathématisé cette autre proposition :

« 200[86]. Le temps et l’éternité ne sont rien dans la réalité et n’existent que par notre conception. — Quod ævum et tempus nihil sunt in re, sed solum apprehensione. »

Le premier décret frappait Aristote ; le second atteignait Saint Augustin. La théorie proposée par Duns Scot n’avait rien à redouter ni de l’une ni de l’autre de ces deux condamnations.

Cette théorie du temps potentiel, nous entendrons Guillaume d’Ockam l’exposer en grand détail.


VIII
Le temps selon Pierre Auriol


De 1’existence de ce temps que Duns Scot nomme temps potentiel, Pierre Auriol paraît aussi fermement convaincu que le Docteur Subtil.

Le temps[2], lorsqu’on le considère en lui-même, avant qu’il ait été mesuré et réduit en nombre, est une quantité purement successive et continue. De même que les dimensions fixent l’ordre et établissent la continuité entre les diverses parties d’une quantité permanente quelconque, de même le temps, c’est ce qui fixe un ordre et établit une continuité entre les parties d’une quantité successive quelconque, d’un mouvement quelconque. On peut dire que « le temps, c’est la succession du mouvement » ; ou bien encore que, « d’une manière formelle, le temps n’est pas autre chose que ce qui est venu avant (prius) et ce qui viendra après (posterius) auxquels s’ajoute la continuité. »

À proprement parler[3], le temps n’a pas de parties ; il est la succession formelle des parties du mouvement ; de même, la grandeur continue et permanente considérée en elle-même n’a pas de parties. Mais il n’en est plus ainsi lorsque le temps a été soumis à

  1. Au lieu de tempus, le texte porte : Deus, ce qui est un non-sens.
  2. Petri Aureoli Verberii Ordinis Minorum Archiepiscopi Aquensis S. R. E, Cardinalis Commentariorum in Secundum Librum Sententiarum Tomus Secundus. Romæ, Ex Typographia Aloysij Zannetti. MDCV. Dist. II, quæst. I, art. I : Utrum lempus sit duratio vel successio, sive quantitas continua, vel discreta. P. 33, col. a.
  3. Pierre Auriol, loc. cit., p. 34, col. b.