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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

dépend pas nécessairement, en son existence, du mouvement du premier Ciel ; il n’existe pas nécessairement en vertu du mouvement du premier Ciel ; ainsi en fut-il de tout mouvement, au temps de Josué, pendant que le Ciel était arrêté. Ici, la mesure d’une quantité à l’aide d’une autre quantité, d’une grandeur à l’aide d’une grandeur égale ne se fait pas par quelque chose dont la grandeur mesurée dépende d’une manière essentielle, comme il arrive dans les mesures quidditatives », c’est-à-dire dans les mesures qui expriment la composition d’un objet au moyen des parties qui le constituent. « Il suffit que, dans le cas où ce mouvement existe, la grandeur en puisse être connue par une connaissance distincte du temps, ce temps étant d’ailleurs, soit actuel, soit potentiel. — Sed tantum sufficit quod motus iste, quando est, possit distincte cognosci secundum quantitatem suam ex cognitione distincta temporis, et hoc vel actuatis vel potentialis. — Lors donc, dis-je, que le premier mouvement du Ciel ne serait pas, tout autre mouvement pourrait, néanmoins, être mesuré à l’aide du temps marqué par ce mouvement du premier Ciel ; c’est-à-dire que l’on pourrait connaître quelle est la partie de ce mouvement céleste, s’il existait, durant laquelle le mouvement considéré pourrait s’accomplir ; présentement, il s’accomplit durant une partie du repos céleste égale à celle à laquelle pourrait coexister telle partie du mouvement céleste. — Et ita dico quod, quando iste motus cæli non erit, poterit tamen alius motus mensurari per tempus hujus motus primi cæli, une quantum scilicet motus ille posset fieri cum tanta parte illius motus, si esset ; et nunc et cum tanta parte quietis cum quanta pars motus posset esse. »

Duns Scot se montre très assuré de l’existence d’un temps potentiel qui nous est distinctement connu en l’absence de tout mouvement de quelque corps que ce soit, et par lequel nous pouvons mesurer la durée de tout mouvement et de tout repos. Nous l’entendons de nouveau, en l’un de ses Quolibets[1], s’exprimer, au sujet de ce temps, de la manière la plus formelle :

« Lors même qu’aucun mouvement n’existerait, il pourrait exister un repos proprement dit ; en effet, bien qu’aucun corps ne fut en mouvement, un corps pourrait se comporter toujours de même façon, tout en étant naturellement apte à se comporter tantôt d’une manière et tantôt d’une autre… À cette disposition invariable correspondra une mesure propre qui est un temps. Si,

  1. Joannis Duns Scoti Quodelibeta ; quæst. XI ; Utrum Deus possit facere quod manente corpore et loco, corpus non habeat ubi, sive esse in loco. De Secundo.