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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

il reproduit à peu près textuellement les arguments donnés par Ockam en ses divers écrits et il s’attache à les réfuter en détail. Mais ici, comme au commentaire sur les Catégories, toute la force de l’argumentation consiste à regarder comme certaines et évidentes des affirmations contraires à celles-ci : « Ces gens-là diraient peut-être que la corporéité n’a aucun terme si ce n’est elle-même, que c’est formellement par elle-même qu’elle est terminée et finie ; ou bien encore ils diraient que toute partie du corps au delà de laquelle le corps ne s’étend pas est terme de corps. » Au jugement de Burley, le contraire de ce que dit Ockam passe pour principe certain et évident.

Grégoire de Rimini, au contraire, suit exactement, en cette question, la doctrine formulée par Guillaume d’Ockam et par Durand de Saint-Pourçain. Il formule en ces termes la conclusion qu’il entend prouver[1] : « En aucune grandeur il n’existe un indivisible qui lui soit intrinsèque ; je dis intrinsèque afin que l’on n’aille pas me taire quelque chicanière objection au sujet de l’âme intellectuelle ou de l’ange qui, l’un et l’autre, sont indivisibles et sont cependant en un corps ou en un lieu… De tels indivisibles, donc, je ne parle pas ici, mais bien de ceux qu’imaginent les personnes qui admettent des indivisibles d’étendue indivisibilia situalia) ; soit des choses entièrement indivisibles, qu’ils nomment points ; soit des choses divisibles seulement suivant une dimension, qu’ils nomment lignes ; soit des choses divisibles suivant deux dimensions, qu’ils nomment surfaces. Comme leur opinion est extrêmement répandue, il n’est pas nécessaire de l’expliquer. »

De l’argumentation fort longue que Grégoire développe à l’appui de cette conclusion, citons seulement un court passage où nous retrouverons tout l’esprit d’Ockam :

« Nulle expérience, nulle raison ne nous contraint d’admettre de tels points, non plus qu’aucune autorité qu’il ne soit point permis de rejeter. Donc on ne doit pas dire que ces points existent. Le raisonnement (consequentia) est évidemment juste. Quant à la prémisse, je la prouve.

» Touchant l’expérience, d’abord ; que, des points, nous n’en ayons aucune, cela est bien certain ; bien mieux ! il est fort diffi-


    sint gratie infinite. Venetiis. Anno salutis nona gesimoprimo supra millesimum et quadringentesimum. Quarto nonos decembris. Lib, I, tract. II. à propos de ce texte : Melissus autem quod est infinitum dicit esse. Fol, sign. b 3, coll. b seqq.

  1. Gregorius de Arimino In secundum Sententiarum, Dist. II, quæst. II, art. I, Éd. Claude Chevallon, fol. XXXV, col. d, seqq.