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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

termes il le fait : « il suffit, pour le mouvement de ce corps, que cette proposition soit vraie : Ce corps se comporterait d’une manière changeante par rapport à un corps immobile s’il en existait un. Certains disent autrement ; en raison même de ces mouvements, ils admettent que le lieu est identique à l’espace séparé ; ils supposent qu’il existe, au delà du Ciel, un lieu ou un espace infini ; dès lors, si Dieu mouvait le Monde entier d’un mouvement rectiligne ou d’un mouvement circulaire, le Monde se comporterait d’une manière sans cesse variable par rapport au lieu ou à l’espace séparé au sein duquel il se trouve… ; mais la première solution est meilleure. »

Cette solution, cependant, Marsile l’avait rejetée dans son Abrégé ; l’argument qu’il lui avait opposé était celui-là même que Jean Buridan, qu’Albert de Saxe avaient employé à cet objet, « Certains disent, avait-il écrit en cet ouvrage[1], qu’il n’est pas nécessaire que tout ce qui se meut se comporte en fait (de facto) tantôt d’une manière et tantôt d’une autre ; il suffirait à leur gré, que le mobile se comportât tantôt d’une manière et tantôt d’une autre à l’égard d’un objet extrinsèque et non mû de la sorte, s’il existait un tel objet…

» Cette réponse est insuffisante ; l’esprit humain, en effet, ne conçoit pas qu’une chose change et qu’elle se comporte exactement de la même façon avant et après ; si, en effet, de toute manière, aussi bien positive que négative, une chose se comportait de même façon d’abord et ensuite, elle ne changerait pas, et si elle ne changeait pas, elle ne serait pas en mouvement.

» En second lieu, puisque le mobile se meut en fait, c’est qu’il change en fait ; soit qu’il se comporte d’abord d’une façon, puis d’une autre, par des déterminations positives differentes ; soit parce qu’il était le sujet de quelque chose et qu’il n’en est plus ensuite le sujet ; soit parce qu’il n’était pas le sujet de quelque chose et qu’il le devient, Or aucun de ces caractères ne conviendrait à cette façon de se mouvoir, »

De toute cette argumentation, nous ne trouvons plus trace aux Quæstiones secundum Nominalium viam.

En revanche, ce livre fait allusion aux philosophes pour lesquels « le lieu est identique à l’espace séparé ; pour lesquels il existe, au delà du Ciel, un lieu ou un espace infini, » De ces philosophes, nous avons entendu Nicole Oresme nous exposer l’opinion, et nous l’avons vu l’adopter.

  1. Marsilii Inguen Abbreviationes, fo. sign. c, col. a.