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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

Duns Scot, qu’un corps solide isolé pourrait être animé d’un mouvement de rotation. Il arrivera alors qu’en cherchant à créer une théorie du mouvement qui tînt compte des décrets d’Étienne Tempier, les maîtres parisiens auront préparé une théorie du mouvement capable de s’accorder avec la Dynamique de Newton.

Après Buridan et Albert de Saxe, la Scolastique ne trouve plus rien de nouveau à dire sur la nature du mouvement ; comme il advient presque toujours, la lecture des œuvres de Marsile d’Inghen nous annonce le déclin de l’École de Paris.

Dans ses Abrégés du livre des Physiques, Marsile d’Inghen donne un exposé[1] sommaire et très clair de la théorie que Buridan nous a présentée ; cet exposé est si fidèle qu’il serait oiseux de l’analyser ici.

Plus tard, dans ses Questions sur la Physique d’Aristote, le célèbre docteur parisien est revenu à la doctrine d’Ockam et des Nominalistes, en rejetant complètement la théorie scotiste qu’avaient soutenue Jean de Buridan et Albert de Saxe[2].

« Le mouvement local, dit-il, n’est pas l’espace qui est acquis par ce mouvement…

» Le mouvement local n’est pas un flux, une disposition, une réalité successive inhérente au mobile et distincte de toute réalité permanente…

» Le mouvement local est le mobile lui-même qui se meut localement. »

Marsile n’ignore pas l’argumentation par laquelle Buridan et Albert de Saxe ont tenté, à l’aide des « cas divins », de réfuter cette dernière opinion et d’assurer celle que Duns Scot avait émise ; il en reproduit fidèlement les traits essentiels. D’ailleurs, il ne se refuse aucunement à admettre la possibilité de ces « cas » ; « ce corps continu formé par tous les corps du Monde, dit-il, Dieu pourrait lui imposer un mouvement rectiligne, ou un mouvement circulaire, ou tel mouvement qu’il voudrait ; et, donné que cela lui soit impossible, ces mouvements seraient cependant imageables, car il ne répugne pas à un tel corps qu’il se meuve. » Il faut donc que le Docteur parisien réfute cet argument ; voici en quels

  1. Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbrevationes libri phisicorum edite a prestantissimo philosopho Marsilio Inguen doctore parisiense, 17e fol. imprimé, col. d, et 18e fol., col. a et b.
  2. Questiones subtilissime Johannis Marcilii Inguen super octo libros Physicorum secundum nominalium viam. Colophon : Impresse Lugduni per honestum virum Johannem Marion, anno Domini MCCCCCXVII, die vero VI mensis Julii. — In lib. III, quæst. VII : Utrum motus localis sit res distincta a mobili.