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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

(divisus) d’avec elle, tandis qu’entre elle et son mouvement, il n’y a pas de séparation puisque, nous l’avons dit, c’est d’une manière intrinsèque qu’elle se comporte tantôt d’une façon et tantôt d’une autre.

» Mais, d’autre part, le mouvement de la sphère suprême n’est pas cette sphère elle-même. En effet… on ne saurait imaginer, et il n’est pas possible que quelque objet ait d’abord une manière d’être, puis une autre, à moins que ce ne soit à l’égard de quelque objet extérieur — ou bien à moins que ce ne soit par l’existence de quelque chose qui n’était pas auparavant, ou par la non-existence de quelque chose qui était auparavant ; or, la première façon de changer ne saurait se rencontrer dans le mouvement de la sphère ultime ; il faut donc accorder qu’elle change de la seconde façon ; mais, en ce qui concerne la substance même de la sphère ultime, rien n’existe maintenant qui ne fût auparavant, et rien n’existait auparavant qui ne soit maintenant ; il faut, dès lors, que quelque chose d’autre que cette sphère soit maintenant qui n’était pas auparavant ou inversement ; ce quelque chose, c’est le mouvement ou ce sont ses parties…

» Cinquième conclusion : Le mouvement de la sphère ultime est distinct de la sphère ultime et de son lieu, si elle en a un, car ce mouvement est, et il n’est ni celui-ci ni celle-là.

» Sixième conclusion : Le mouvement de la sphère ultime est une réalité purement successive, c’est-à-dire une réalité dont la partie précédente et la partie suivante ne subsistent pas simultanément. S’il était, en effet, une chose de nature permanente, la sphère ultime ne pourrait pas plus, par cette chose, se comporter d’abord d’une manière, puis d’une autre, qu’elle ne le fait par sa grandeur, sa figure et ses autres accidents permanents. Or cela est faux. »

Telle est la forte discussion par laquelle Buridan, prenant pour prémisse le décret d’Étienne Tempier : Dieu pourrait mouvoir le Monde entier d’un mouvement rectiligne, arrive à cette conclusion : Le mouvement local de la sphère ultime est une réalité purement successive, distincte de la substance et du lieu de cette sphère.

Qu’il faille étendre cette conclusion à tout mouvement local, le philosophe de Béthune ne le dit pas ; il pense, sans doute, et avec raison, que cela va de soi.

« Le mouvement d’altération requiert-il, lui aussi, un flux distinct du sujet altérable et de qualité par rapport à laquelle se fait