seul corps continu, alors, selon Aristote, il n’y aurait plus aucun lieu… Cependant il serait encore possible que Dieu mût tout ce Monde d’une rotation semblable.
» Cela, je le prouve en faisant usage de l’un des articles condamnés à Paris. Cet article dit : C’est une erreur de prétendre que Dieu pourrait mouvoir le Monde de mouvement rectiligne. Il n’y a pas de raison pour qu’il puisse le mouvoir de mouvement rectiligne plutôt que de mouvement circulaire. De même qu’il imprime le mouvement diurne à toutes les sphères célestes en même temps qu’à l’orbe suprême, de même pourrait-il donner au Monde entier, y compris les corps sublunaires, une rotation d’ensemble, alors que les diverses sphères demeureraient distinctes les unes des autres ; mais tout aussi bien pourrait-il mouvoir ce Monde après l’avoir transformé en un tout homogène et continu. Dieu pourrait donc mouvoir le Monde entier alors que ce Monde n’aurait plus de lieu…
» Seconde conclusion : — Si la sphère ultime se meut, ce n’est pas parce qu’elle se comporte sans cesse de différente façon par rapport à la Terre ou à quelque autre corps. Je le prouve : Elle ne se mouvrait pas moins lors même que tous les autres corps tourneraient avec elle sans éprouver aucun mouvement différent du sien ; dans ce cas, cependant, il n’existerait aucun objet par rapport auquel elle se pût comporter différemment d’un instant à l’instant suivant, De même, pour qu’un corps se mût de mouvement rectiligne, il faudrait qu’il se comportât différemment d’un instant à 1’autre par rapport à quelque objet, tout comme cela est nécessaire pour qu’il se meuve de mouvement curviligne ; et cependant pour qu’il y ait mouvement rectiligne, il n’est pas nécessaire que le mobile se comporte différemment d’un instant à l’autre par rapport à quelque autre corps ; en effet, si Dieu mouvait le Monde entier d’un mouvement rectiligne, le Monde n’éprouverait pas de continuel changement de disposition par rapport à la Terre.
» Alors se formule la troisième conclusion : Pour la sphère ultime, se mouvoir, c’est se comporter différemment, avant et après, d’une manière intrinsèque. Cela se prouve par la définition de nom qui a été donnée. Si elle se meut, en effet, ce n’est pas parce qu’elle se comporte différemment, avant et après, à l’égard de quelque chose d’extrinsèque, car elle se mouvrait encore alors même qu’elle ne se comporterait pas différemment, avant et après, à l’égard de quelque chose d’extrinsèque, comme on l’a vu par les conclusions précédentes. Donc, etc.