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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

que c’est ? Et même il ne convient pas de poser semblables questions au sujet des parties de ce que ce nom signifie, et de demander : Qu’est-ce que c’est que : en même temps (simul) ? Qu’est-ce que c’est que : avec ? que : dans ? que : à ? et ainsi des autres.

» Ici donc il dit que le mouvement, c’est le lieu où le mobile est à présent, où il n a jamais été auparavant, ou bien il n’était pas immédiatement auparavant, où il ne sera plus immédiatement après ; mais, immédiatement avant, le mobile a été successivement en une infinité de lieux sans se trouver deux fois en aucun d’eux ; et immédiatement après, il sera successivement en une infinité de lieux sans se trouver deux fois en aucun d’eux.

» Ailleurs, il dit que le mouvement, c’est l’espace auquel le mobile coexiste, de telle manière que la partie de l’espace à laquelle il coexiste n’est pas celle à laquelle il coexistait auparavant, qu’elle n’est, non plus, aucune des parties d’espace, infiniment nombreuses, auxquelles il coexistera ensuite, sans coexister deux fois avec aucune d’entre elles.

» Par là, il est évident, selon lui, que ce nom : mouvement, est pris d’une manière équivoque par les auteurs, qu’il est reçu tantôt dans un sens et tantôt dans un autre ; des mots, en effet, on peut user selon son bon plaisir. D’ailleurs, l’équivoque que l’on vient de manifester dans l’emploi de ce nom : mouvement, à propos du mouvement local, par application de ces mêmes principes, on la pourrait mettre en évidence à propos des autres mouvements. »

Les méditations des philosophes qui ont enseigné à Paris durant la première moitié du xive siècle ont ainsi élaboré trois théories du mouvement qui sont nettement caractérisées, nettement distinctes les unes des autres.

La première est la théorie scotisle, à laquelle Jean le Chanoine a donné sa formule achevée. En un mouvement, on peut distinguer trois choses : Le mobile, qui est une réalité permanente. Ce que le mobile acquiert, qui est une autre réalité permanente, forme ou uni. Enfin une réalité purement successive qui constitue proprement le mouvement.

Dans le mouvement local, il peut arriver que la seconde réalité permanente fasse défaut ; il peut arriver qu’un corps se meuve sans acquérir aucun subi ; un corps qui existerait seul sans subi aucun autre corps lui servît de lieu et lui conférât un ubi, pourrait cependant être mû de mouvement local. Ce mouvement local serait, en ce cas, exclusivement constitué par l’existence, au sein du mobile, d’une réalité purement successive qui ne serait même