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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

tés. À son avis, toutefois, il y a deux sortes d’altérations : 1’acquisition et la déperdition.

» La première est une qualité qu’une multitude infime de qualités ont successivement précédée, et cela de telle sorte que jamais aucune d’elles ne s’est trouvée deux fois acquise définitivement (ultimo) ; immédiatement, cette qualité sera suivie d’une multitude infinie de qualités acquises successivement, et cela de telle sorte qu’aucune d’entre elles ne sera, deux fois, acquise d’une manière définitive.

» La seconde est une qualité qu’ont précédée une multitude de qualités perdues successivement, dont aucune n’a été deux fois définitivement perdue, que suivent immédiatement une multitude infinie de qualités dont aucune ne sera deux fois perdue d’une manière définitive.

» Et il en est de même de l’augmentation.

» D’après cela, il admet[1] que le mouvement n’est pas une chose continue composée de passé et de futur, mais que la continuité du mouvement local doit être entendue de la manière suivante : Lorsqu’aucune des affirmations qui sont contenues dans [la définition du] mouvement local n’est constamment accompagnée de contradictions, extrinsèques au mouvement, qui se suivraient l’une l’autre sans intermédiaire, lorsqu’aucune de ces affirmations ne coexiste à de telles contradictions, le mouvement est dit continu…

» Il déclare, d’après cela[2], qu’à cette question : Qu’est-ce que le mouvement ? il faut, en des circonstances diverses, répondre diversement, puisque le mouvement n’a pas de définition de chose (quid rei), mais seulement une définition de nom (quid nominis), comme on l’a dit ailleurs. Il dit que, d’une manière absolue, le mouvement n’a pas de nature (Dicit quod simpliciter nullum quid habet). C’est une question vaine (fatua quæstio) de demander : Qu’est-ce que c’est que le mouvement ? de même que c’est une question vaine que celle-ci : Qu’est-ce que c’est que ce par quoi un mobile est un lieu, alors qu’immédiatement auparavant, il a été successivement en une multitude infinie d’autres lieux ? Lorsque la signification d’un nom implique ainsi une complexité où se trouvent compris un adverbe, des prépositions, des conjonctions et autres termes syncatégoriques, il ne convient pas de demander, au sujet de ce qui est signifié par ce nom : Qu’est-ce

  1. Auctoris anonymi Op. laud., cap. I, prop. 104a (non numérotée) : ms. cit., ibid.
  2. Auctoris anonymi Op. laud., cap. I, prop. 106a (non numérotée) : ms. cit., fol. 125, coll. c et d.