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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

et ce sont les diverses parties de cet espace qui sont acquises par le mobile.

» En second lieu, je dis qu’on doit, au pied de la lettre, regarder les deux propositions suivantes comme également vraies : » Le mouvement local, c’est le mobile acquérant successivement l’espace.

» Le mouvement local, c’est l’espace acquis par le mobile, partie par partie (partibiliter) et d’une manière continue.

» En effet, quand un mobile se meut d’un mouvement de translation ou d’un mouvement de rotation, ce mouvement implique un espace contenant le mobile. Toutefois, bien que le mouvement local implique le mobile, si l’on veut, pour en parler, user d’un langage conforme à celui qui sert pour les autres mouvements, il faut dire que le mouvement local est l’espace successivement acquis par le mobile ; alors, le mouvement local remplace (supponit) le mobile dont les parties se trouvent successivement dans une situation continuellement différente ou bien le mobile acquérant continuellement des parties différentes de l’espace, si ce mobile possède un lieu qui l’entoure.

» Mais on objectera ceci : Un corps mobile [et un espace] ne suffisent pas à faire le mouvement local ; smon, toutes les fois qu’il y aurait un corps et un lieu, il y aurait mouvement local ; tout corps serait donc tout d’abord en mouvement.

» Je réponds qu’un corps et un lieu ne suffisent pas à faire le mouvement local, car cet argument n’est pas en forme : Il y a un corps et un lieu, donc il y a un mouvement local. Et cependant, hors du corps et du lieu, aucune autre chose réelle (res) n’est requise pour l’existence du mouvement local. Pour qu’il y ait mouvement local, il suffit que le corps soit d’abord dans le lieu A et pas dans le lieu B ; qu’après, il se trouve dans le lieu B, et ainsi de suite, sans arrêt ; mais pour que le corps soit d’abord au lieu A, il n’est besoin de poser aucune autre chose que le lieu A et le corps. Ainsi donc se mouvoir de mouvement local c’est, pour un corps, posséder d’abord un certain lieu, sans qu’aucune autre chose soit posée ; puis, sans arrêt, posséder un autre lieu ; et cela ne suppose aucune chose que le lieu et le corps. »

Ce texte résume de la manière la plus nette, la plus catégorique la théorie que Guillaume d’Ockam, dans ses divers ouvrages, a professée touchant le mouvement local. Cet enseignement attira vivement l’attention de ses élèves ; nous en avons l’assurance par ce résumé de la doctrine occamiste qu’avait rédigé, au xive siècle, un disciple inconnu du Venerabilis inceptor, et qu’il nous a été