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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Guillaume d’Ockam nie formellement[1] que le mouvement soit une entité non comprise parmi les réalités permanentes.

« Pour qu’un corps se meuve[2], il suffit que, sans interruption de temps ni de repos, continuellement et d’une manière transitoire (partibiliter), le mobile acquière ou perde quelque chose… Pour qu’un corps blanchisse, il suffit qu’il acquière continuellement de nouvelles parties de blancheur ; pour qu’il se meuve de mouvement local, il suffit que, continuellement et sans repos, il acquière un lieu après un autre, que, sans trêve, il se trouve successivement en des lieux différents… On dit donc qu’un corps se meut d’une manière continue lorsqu’à chaque instant, il est exact de dire que ce mobile est en un lieu où il n’était pas auparavant, ou qu’il possède quelque chose qu’il ne possédait pas auparavant, ou qu’il ne possède plus quelque chose qu’il possédait. Ces propositions admises et toute autre proposition écartée, le mobile se meut vraiment ; et cependant il n’intervient ici aucune réalité qui ne soit permanente, car le mobile est permanent et tout ce qui est acquis par le mobile est permanent… Il n’y a donc là que des choses permanentes ; mais comme ces choses permanentes ne sont pas simultanées, qu’elles sont acquises l’une après l’autre, le mobile se meut véritablement. »

« Le sens de cette proposition[3] : Le mouvement est successif, est celui-ci : Lorsqu’un corps se meut, ce qu’il acquiert ou perd, il ne l’acquiert pas simultanément, mais successivement. Par conséquent, il ne faut point s’imaginer que le mouvement soit quelque réalité successive, totalement distincte de toute chose permanente. »

En cette condamnation de la doctrine scotisle, Ockam s’accorde pleinement avec Grégoire de Rimini ; il s’en sépare lorsqu’il expose sa propre théorie.

« Par le mouvement local, dit-il[4], le lieu seul est acquis et il n’est rien acquis d’autre ; c’est pourquoi on le nomme local. Lorsqu’un corps se trouve en un lieu, selon la doctrine du Philosophe, il ne faut pas s’imaginer, comme le font quelques-uns, qu’il y ait au sein du corps logé quelque chose qui soit distinct du lieu et

  1. Venerabilis Inceptoris fratris Gulielmi de villa Hoccham Anglie : Achademie nominalium principis : Summule in lib. Physicorum adsunt Colophon : Impressum Venetiis per Lazarum de Soardis. Anno 1506, Die 17 Augusti. Partis tertiæ cap. V, fol. 14, col. d, et fol. 15, col. a.
  2. Guillaume d’Ockham, Op. laud., pars III, cap. VI ; édit. cit., fol. 15, coll. a et b.
  3. Guillaume d’Ockham, Op. laud., pars III, cap. VII ; édit. cit., fol. 15, col. c.
  4. Guillaume d’Ockham, Op. laud., pars III, cap. X ; édit. cit., fol. 17, coll. a et b.