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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

dehors d elle ; certaines choses, donc, que ces noms impliquent, n’ont pas d’existence hors de l’âme, bien qu’elles puissent être pensées par l’âme, tandis que certaines autres choses, également impliquées par ces noms, existent hors de l’âme.

» Par exemple, tant qu’un mouvement dure, il faut qu’il y ait quelque chose à venir, qui n’a pas d’existence hors de l’âme bien que l’âme puisse le penser ; cependant il y a ce dont ce nom : mouvement, implique l’existence réelle. Il faut donc qu’il y ait quelque chose d’extérieur à l’âme, et quelque chose qui n’existe pas hors de 1’âme, bien que cette dernière chose puisse être pensée par l’âme. Voilà pourquoi le Commentateur dit que le mouvement n’a point une existence complète, si ce n’est par l’âme.

» Exemple : Ce nom : échauffement, implique un corps qui a de la chaleur et qui manque d’une chose qu’il aura dans l’avenir. Ce nom : échauffement, donc, implique le sujet qui est échauffé et qui existe réellement hors de l’âme ; semblablement, il implique un certain degré de chaleur qui n’existe pas hors de l’âme. L’échauffement n’a donc pas, hors de l’âme, une existence complète, c’est-à-dire que ce que ce nom implique n’existe pas tout hors de l’âme. Mais l’existence de réchauffement est complétée par l’âme, c’est-à-dire que tout ce que ce nom implique peut être conçu par l’âme.

» Cela, il le faut répéter uniformément au sujet de toutes les choses successives ; toutefois, il ne le faut pas formuler, au sujet du mouvement local, dans les mêmes termes qu’au sujet des autres changements où sont produites des choses véritables, et voici pourquoi : Lorsqu’un corps se meut de mouvement local, il n’est pas nécessaire qu’on attende une [véritable] chose future ; il suffit que, dans l’avenir, une chose [maintenant existante] existe autrement ou coexiste autrement au mobile… Dans les autres changements, au contraire, on attend une certaine chose future qui n’a encore, hors de l’âme, aucune existence réelle, bien qu’elle soit connue par l’âme.

» On voit clairement par là comment le mouvement et le temps n’ont pas, hors de l’âme, une existence complète, mais comment ils acquièrent, par l’âme, une existence complète, ce qui signifie que tout ce qui est impliqué par ces noms peut être conçu par l’âme. »

Telle est la dissociation opérée par l’analyse d’Ockam dans ce que les Scotistes nomment des réalités successives.

Dans ses Summulæ comme en son Tractatus de successivis,