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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

cherait le plan, de telle sorte que toute partie de cette partie touchât encore le plan ; alors le raisonnement conclurait nécessairement que le corps n’est pas absolument sphérique. Mais en ce moment, je suppose que le corps ne touche pas le plan, tout d’abord, par une certaine partie dont toute partie toucherait encore le plan ; il ne louche donc pas le plan, en premier lieu, par une partie qui aurait priorité sur toute autre partie tangente. Mais quelque soit la partie tangente que l’on donne, on peut encore en prendre une moitié qui ne touche pas le plan en toute son étendue (immédiate), et il en est de meme de la moitié de cette moitié, et ainsi de suite à l’infini. »

C’est par cette exactitude d’analyse et par cette précision de langage que les Nominalistes sont parvenus à dissiper tous les paralogismes qui s’étaient accumulés autour des notions d’infiniment petit ou d’infiniment grand. C’est par des procédés tout semblables que les mathématiciens du xixe siècle ont pu débarrasser l’analyse infinitésimale des raisonnements scabreux et des conclusions mal assurées qui la déparaient.

On fait volontiers du Dominicain Durand de Saint-Pour ça in un précurseur de l’Occamisme. Plus volontiers, nous verrions en lui un philosophe qui a subi l’influence de Guillaume d’Ockam.

En 1326, Guillaume d’Ockam était mandé à Avignon pour y répondre des erreurs dont on l’accusait ; il est permis de penser que cette citation mit fin, pour lui, à la carrière philosophique ; sa fuite auprès de Louis de Bavière lui ouvrit une autre carrière, celle de la polémique à l’encontre du Saint-Siège.

D’autre part, le 13 mars de cette même année 1326, Durand de Samt-Pourçain quittait le siège épiscopal du Puy-en-Velay pour monter sur celui de Meaux, qu’il devait occuper jusqu’à sa mort, survenue le 13 septembre 1334. Il avait été, auparavant, dominicain à Clermont et maître du Sacré Palais ; le 26 août 1317, il avait été nommé évêque de Limoux et le 14 février 1318, évêque du Puy.

Or, à la fin de son Commentaire sur les Sentences, Durand place une courte conclusion qui commence en ces termes : « Cet écrit sur les quatre livres des Sentences, je l’ai commencé dans ma jeunesse, mais je l’ai achevé dans ma vieillesse — Scripturam super quatuor Sententiarum libros juvenis inchoavi, sed senex complevi. » Durand a donc accompli la rédaction de son ouv rage pendant que Guillaume d’Ockam donnait, à Paris, ses leçons audacieuses et novatrices. Peut-être même a-t-il poursuivi cette rédaction après la rupture entre l’Église et le bouillant franciscain.