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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

goire de Rimini[1], c’est que le mouvement n’est qu’une entité distincte de toutes les entités permanentes,

» La seconde conclusion, c’est qu’il n’existe hors de l’intelligence aucune entité, distincte de toutes les choses permanentes, et présentant les caractères que nos adversaires attribuent au changement.

» Lorsqu’un objet est en mouvement, il ne nous présente pas trois choses distinctes : En premier lieu, une chose qui se meut ; en second lieu, une chose qui est acquise ; en troisième lieu, une chose distincte de chacune des deux précédentes et distincte de leur ensemble, chose qui, selon l’opinion que nous avons exposée, serait le mouvement. Il y a une chose que le mobile acquiert sans cesse ; par rapport à cette chose, il est incomplètement en acte et il tend sans cesse à compléter cet acte ; c’est cette chose-là qui est le mouvement. »

Considérons, par exemple, le mouvement d’altération. Au sein du sujet de ce mouvement, « il y a une qualité qui se fait continuellement… ; c’est cette qualité qui est l’altération ; l’altération n’est donc nullement une semblable réalité successive, distincte de la qualité même qui se fait ».

Considérons de même le mouvement local. « Toutes les fois que les propositions suivantes seront vraies au sujet d’un certain corps : Ce corps peut être, à un certain instant, en un lieu dans lequel, immédiatement auparavant, il ne se trouvait pas ou dans lequel ses parties ne se trouvaient pas toutes ; immédiatement après cet instant, il ne sera plus en ce lieu, mais il sera en un lieu où il n’est pas à ce même instant ; ce corps pourvu de lieu sera vraiment en mouvement local. Mais pour que ces propositions puissent être formulées, il n’est pas nécessaire d’imaginer une chose qui ne soit pas comprise au nombre des réalités permanentes. »

« Tout ce qui se meut de mouvement local, dit encore Grégoire de Rimini, acquiert sans cesse, d’une manière transitoire (partibiliter) une certaine réalité permanente ; en effet, tout ce qui se meut ainsi se meut d’un lieu à un autre (et nous prenons ici le mot lieu au sens communément reçu) ; on voit donc que toute chose qui se meut d’un mouvement local est une chose permanente ; partant, on n’a nullement à poser une certaine réalité,

  1. Gregorii de Arimino Lectura in secundo Sententiarum ; dist. I, quæst. IV, art. I.