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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de traverser les corps sans en interrompre la continuité ; le mouvement local n’est alors pour lui que le changement de longueur de ces dimensions immobiles successivement interceptées par le corps mobile. Il a beau s’autoriser, tout aussitôt, de l’opinion du Commentateur ; il est clair que rien n’est plus étranger à toute la tradition péripatéticienne que cette définition purement géométrique du mouvement local.

Pierre Auriol paraît avoir inspiré ce que Grégoire de Rimini écrit du mouvement local et, tout d’abord, les attaques qu’il dirige contre l’ubi admis par tous les Scotistes, sauf Antonio d’Andrès.

Selon les disciples du Docteur Subtil, cet ubi, attribut réel que le lieu engendre dans le corps logé, est le véritable terme du mouvement local ; c’est un certain ubi, et non point un certain lieu, qui est gagné par le mobile au cours d’un tel mouvement, tandis que le même mobile délaisse non pas un autre lieu, mais un autre ubi.

Grégoire de Rimini s’inscrit en faux contre cette doctrine, et sur tous les points[1].

« Je pose, dit-il, deux conclusions :

» Voici la première : Aucune chose, lorsqu’elle se meut, n’acquiert une réalité quelconque, du genre des réalités permanentes, distincte de cette chose, et qui soit formellement inhérente à cette chose lorsqu’elle se trouve en un lieu.

» Voici maintenant la seconde : l’ubi n’est point une réalité distincte du lieu et du corps logé. »

Que l’ubi ne soit pas autre chose que le lieu, Grégoire de Rimini rétablit par des considérations qui devaient sembler particulièrement fortes aux Nominalistes. « Toute question, dit-il, qui est faite au moyen de termes interrogatifs qui appartiennent au prédicament ubi est une question qui s’enquiert du lieu ; toute réponse donnée au moyen de termes de cette même catégorie, répond au sujet du lieu. Ces interrogations, en effet, ont des sens équivalents : Où (ubi) est Socrate ? Et : En quel lieu est Socrate ?… De même, si quelqu’un demande, au sujet de Socrate : Où (ubi) est-il ? on lui fournit des réponses convenables en disant : Il est à l’église, il est à l’école » ; et ces réponses désignent le lieu où se trouve Socrate.

» De ces remarques il résulte évidemment que, selon l’intention de Boèce, l’ubi signifie le lieu ; selon sa véritable attribution,

  1. Gregorii de Arimino Lectura in secundo Sententiarum, dist. VIa, quæst. Ia art. II.