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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

du scotiste Jean le Chanoine, nous voyons la tradition scotiste délaissée, à ce sujet, par l’un des plus fidèles disciples du Docteur Subtil, par Antonio d’Andrès.

Antonio d’Andrès a composé un traité Sur les trois principes[1] dont la Métaphysique aristotélicienne compose toutes choses : La matière, la forme et la privation ; ce Traité des trois principes eut, au Moyen Âge, une grande célébrité.

Au début de ce traité, Antonio d’Andrès examine « si la mobilité est le sujet de la Science physique » et l’examen de cette question le conduit à analyser la nature du mouvement.

Le mouvement local est, formellement, un rapport ; c’est, en effet, un mouvement vers l’ubi, et l’ubi lui-même est formellement un rapport. Les autres mouvements sont des formes absolues ; ces mouvements, en effet, tendent à l’acquisition de la substance, de la quantité ou de la qualité qui sont, formellement, quelques choses d absolu. « Or, je tiens que le mouvement ne diffère pas réellement de la forme à laquelle il tend ; c’est ce que le Commentateur affirme explicitement, au troisième livre des Physiques, lorsqu’il dit : Il y a deux opinions touchant le mouvement ; l’une qui est l’écoulement de la forme, l’autre qu’il est la forme même qui s’écoule ; la première est plus répandue, ajoute-t-il, mais la seconde est plus proche de la vérité. »

Par ces déclarations, qui refusent à l’esse continuativum du mouvement toute réalité distincte de l’esse discretum, Antonio d’Andrès rejette la doctrine scotiste et fraye la voie aux théories nominalistes.


IV
La nature du mouvement et, en particulier, du mouvement local
selon Pierre Auriol et Grégoire de Rimini. Opinion de ce dernier au sujet du temps.


L’exemple d Antonio d’Andrès nous a montré que les Franciscains n’étaient pas unanimes à faire du mouvement une réalité essentiellement successive et coulante ; c’est que l’ordre des

  1. Tria principia clarissimi Doctoris Antonii Andree secundum doctrinam doctoris subitilis Scoti. Nec non et expositio Francisci Mayronis doctoris illuminati super octo libros phisicorum valde utilis et brevis juxta Ari. propositiones et demonstrationes, et formalitstea ejusdem. Colophon : Impressum in inclita Civitate Ferrarie regnante Hercule Duce secundo per Magistrum Laurencium de rubeis de Valentia. Anno domini MCCCCLXXXX. V Idus Madii.