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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ment par l’état intermédiaire qui les relie l’une à l’autre d’une manière continue. Enfin, en troisième lieu, nous pouvons le considérer à la fois de ces deux façons…

» De la première manière, le mouvement suppose quelque chose de continu ; il existe hors de l’âme dans un mobile mû d’une manière continue.

» De la seconde manière, il est pris comme discontinu ; il n’existe que dans la conception de notre âme ; en effet, la séparation établie entre deux parties du mouvement par un terme moyen qui établit entre elles la continuité il existe pas dans la réalité extérieure ; c’est notre âme seule qui la fait.

» De la troisième manière, le mouvement est conçu comme une discontinuité dans une continuité ; il existe alors partie dans l’âme et partie hors de l’âme.

» Or, nous l’avons dit, le temps suit le mouvement à la façon d’une passion de ce mouvement. Le temps pourra donc, lui aussi, être considéré de trois façons différentes.

» En premier lieu, le temps peut être considéré comme suite du mouvement pris de la première manière ; le temps est alors une chose continue, comme le mouvement ; c’est seulement dans la réalité extérieure à l’âme qu’il existe réellement ; dans l’âme, dans l’intelligence qui le connaît, il n’existe que par son espèce, par son intention (per speciem, per intentionem).

» En second lieu, le temps peut être pris comme conséquence du mouvement considéré de la seconde manière ; c’est alors une chose discontinue, et il existe seulement dans l’âme ; la raison en est la suivante : Le passé, séparé de l’instant [présent] et non soudé à cet instant, n’existe plus dans la réalité naturelle ; là, il n’existe que parce qu’il se continue avec l’instant présent. Il en est de même du futur ; coupé de l’instant présent et dissocié d’avec lui, il existe dans l’âme et point dans la réalité extérieure ; dans cette réalité, en effet, il n’existe que par l’ordre et la continuité qui le rattachent au présent.

» Enfin, si l’on prend le temps comme suite du mouvement considéré de la troisième manière, on le concevra suivant sa nature parfaite ; et alors il sera partie dans l’âme et partie hors de l’âme. Il est, en effet, dans le rôle du temps, d’être une mesure non pas fictive, mais réelle ; elle est également dans son rôle, la discontinuité qu’il reçoit de la part de l’âme. Quant à sa manière d’être hors de l’âme, elle suppose un certain continu, il est donc évident que le temps est pris selon sa nature parfaite lorsqu’il est pris comme une discontinuité dans une continuité (ut discretum in