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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

qui précède, » C’est bien là, en effet, la définition que François de Mayronnes donnait de l’écoulement de la forme. « Mais, poursuit le Chanoine, ce qui précède et ce qui suit ne sont pas le mouvement même, car ce sont choses qui existent dans le mouvement

Qu’est-ce donc que le mouvement ? Une entité particulière qui n’est ni la forme même qui s’écoule ni le simple écoulement de cette forme. Quels sont les caractères de cette entité formellement successive, notre auteur va nous le dire ; ce sera la partie la plus remarquable de sa théorie.

« Il nous reste deux choses à voir[1] : En premier lieu, quel est le mode d’existence du mouvement. En second lieu, si le mouvement existe hors de 1’âme.

» Touchant la première question, je poserai quelques affirmations dont voici la première :

» L’entité et l’unité d’un continu quelconque consistent en ceci que les parties de ce continu se soudent suivant un indivisible… Cet indivisible existe seulement en puissance ; du moment qu’on le met en acte, la continuité des parties prend fin. C’est là une nature commune au continu permanent aussi bien qu’au continu successif. » Que l’on songe à deux parties d’une ligne et au point par lequel elles se soudent l’une à l’autre, et la pensée de notre auteur se laissera clairement apercevoir. Cependant, une faute de rédaction s’y est glissée, comme la suite le fera aisément reconnaître. Il est vrai qu’en tout continu, qu’il soit permanent ou successif, les parties se soudent les unes aux autres par un indivisible. Mais c’est seulement pour les continus permanents que l’on doit ajouter : Cet indivisible n’existe qu’en puissance ; sa mise en acte rompt la continuité des parties. Des continus successifs, l’auteur va, de suite, nous dire le contraire ; écoutons-le :

« Seconde proposition : Il n’en va pas d’une chose successive de la même façon que d’une chose permanente. L’existence d’une quantité permanente exige que toutes les parties de cette quantité soient en acte, et cela simultanément. Il n’en va pas ainsi d’une chose successive ; elle ne requiert pas ses parties toutes ensemble ; il y a plus : La simultanéité de ses parties lui répugne formellement. Une chose successive consiste en ceci, que toutes ses parties soient, en un certain acte non pas simultané, mais successif, en un certain acte de continuité et de soudure ; toutes les parties de cette

  1. Joannis Canonici Quæst. cit., art. III ; éd. cit., fol. 34, col. d, et fol. 35, col. a.