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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

ment, comme des points, des lignes, des surfaces et autres choses du même genre. La raison, en effet, ne nous y contraint pas, non plus que l’expérience ni que l’autorité.

» Il dit, en effet, que tous les textes autorisés d’Aristote doivent être expliqués conditionnellement. Lorsqu’Aristote dit, par exemple, que le cercle est une figure telle que toutes les lignes menées du centre à la circonférence sont égales, il dit que cela doit s’entendre de la manière suivante : Le cercle est une figure telle que, si un tel point y existait, toutes les lignes menées de ce point à la circonférence seraient égales. On doit expliquer de la même façon tous les postulats et toutes les conclusions relatives à ces indivisibles. »

En effet, en nombre de ses ouvrages, Ockam revient à cette affirmation : Les indivisibles tels que le point, la ligne, la surface ne sont que de pures négations ; ils ne représentent rien de positif. Cette affirmation, tantôt il la formule incidemment à propos de quelque autre question de Physique, tantôt il la prend pour objet formel de sa discussion. C’est ainsi que les deux premières questions de son Traité du Sacrement de l’Autel[1] sont consacrées à examiner « si le point, la ligne, la surface sont des choses absolues distinctes du volume (quantitas). »

La première de ces deux questions, celle qui a pour objet de refuser au point toute réalité positive, est la plus étendue ; elle est un remarquable exemple des discussions pénétrantes auxquelles l’esprit d’Ockam est merveilleusement adapté. Ceux qui partagent l’opinion de notre auteur ne veulent pas que le point soit une chose indivisible et réelle qui termine la ligne. « Ils diraient que le point n’est pas une chose indivisible, positive et absolue, réellement distincte de la ligne et de tout volume (quantitas). Ils diraient que formellement, toute chose divisible est, par elle-même, finie et terminée ; que si elle est continue, elle l’est par elle-même sans qu’aucune autre chose lui soit ajoutée ; qu’au point de vue de la causalité, elle est finie, terminée et continue de par Dieu et les autres causes qui la font exister, quelles que soient ces causes. Cette ligne que voici, donc, est finie, terminée et continue sans

1. Tractatus verurabilis Inceptoris Guillielmi Ockam de sacramento altaris. Explicit tractatus gloriosus de corpore christi et in primis de puncti linec superfici corporis quantitatis qualitatis et substantie distinctione. Venerabilis inceptoris magistri Guilhelmi de Ockam anglici. veritatis indagatoris profundissimi, sacre theologie professoris doctissimi. de ordine fratrum minorum. post lecturam oxoniensem. catholice editus. Impressus Argentine anno domini Mccccxcj. Finitus post festum Epiphanie domini. Proæmium. Quæst. I : Utrum punctus sit res absoluta distincta realiter a quantitate. Quæst. II : Utrum linea et superficies realiter distinguantur inter se et a corpore.

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