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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

de ses parties, parce que, par comparaison avec le corps central (centrum), chacune de ses parties acquiert un ubi qui change sans cesse ? Je vous répondrai qu’il n’est pas nécessaire que les parties du Ciel acquièrent un tel ubi. En effet, si l’Univers entier formait une masse [solide] continue, il n’y aurait plus aucune acquisition d’ubi à l’égard du centre ; or, lors même que l’Univers entier serait un et continu, il pourrait encore tourner et se mouvoir.

» Peut-être m’objecterez-vous ceci :

» Si l’Univers était continu comme on vient de le dire, s’il formait un seul corps sphérique solide, il ne pourrait pas se mouvoir, et en voici la raison : Avoir éprouvé un changement, c’est ne pas se comporter maintenant comme on se comportait avant ; or le Ciel ne se comporte pas maintenant autrement qu’il n’était avant, puisqu’il n’a acquis ni ubi ni quoi que ce soit de positif ; donc il ne s’est pas mû. Prenons un exemple : Le Ciel forme une seule masse continue ; hier, il est demeuré en repos toute la journée ; aujourd’hui, selon ce que vous admettez, il se meut toute la journée ; et demain, il reviendra au repos. Il est clair que vous ne pourrez pas dire que le Ciel ait éprouvé un changement, car il se comportera exactement de la même manière qu’auparavant ; il n’aura rien perdu ni rien gagné.

» Je vous répondrai que l’Univers a changé, car aujourd hui, il se comporte autrement qu’hier, non sous le rapport de lubi, mais sous le rapport du mouvement ; pendant toute cette journée-ci, en effet, il a été en mouvement (sub moveri) ; pendant toute la journée de demain, il sera en repos (sub quiete) ; il se comportera donc demain autrement qu’aujourd hui et, par conséquent, il aura changé. »

« Disons donc[1] pour conclure qu’il y a quatre genres de changement local.

» Le premier changement consiste à perdre un ubi et à en acquérir un autre ; c’est ce que l’on constate lorsqu’un corps se meut au sein d’un milieu plein, comme l’air ou l’eau.

» Le second changement perd un ubi mais n’en acquiert pas d’autre ; c’est ce que l’on voit lorsqu’un corps passe d’un milieu plein à un espace vide ; il perd l’ubi qu’il avait dans le milieu plein et, dans l’espace vide, il n’acquiert point dubi.

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. V, cap. VI (numéroté par erreur cap. V dans le ms. no 16132) ; ms. no 6678, fol. 152, ro et vo ; ms. no 16132, fol. 119, coll. c et d.