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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

mouvements, il fait ce que fera Copernic. Lorsque Jean de Bassols et Guillaume d’Ockam proclament que le mouvement local ne requiert pas l’existence réelle et concrète d’un corps immobile ; qu’il suffit, pour qu’un tel mouvement soit possible, que l’on puisse concevoir un terme fixe auquel tous les déplacements soient rapportés, ils composent le système auquel vont, aujourd’hui, la plupart des adhésions[1] ; ils devancent la lumineuse définition qu’à la fin du xixe siècle, M. Carl Neumann devait donner du corps Alpha.

Ainsi, en ce problème du lieu, nous voyons la Scolastique parisienne du xive siècle, à la place de la solution aristotélicienne désormais ruinée, proposer les solutions diverses entre lesquelles, à partir de la Renaissance, se partageront les faveurs des savants.

Deux forces se sont unies pour renverser la doctrine que le Péripatétisme avait dressée à l’occasion de ce problème ; ces deux forces sont la Science positive et la Théologie chrétienne ; par le système de Plolémée, qui en était alors l’expression la plus parfaite, la Science positive niait que toute rotation céleste exigeât, en son centre, l’existence d’un corps immobile ; par la voix, si hautement autorisée à cette époque, de l’Évêque de Paris et des docteurs de la Sorbonne, la Théologie condamnait la proposition qui refusait à Dieu le pouvoir de déplacer l’Univers entier ; ni la Science positive ni la Théologie ne consentaient à ce que la mobilité de la Terre fût réputée contradictoire ; il fallait donc que la Physique péripatéticienne fût rejetée comme erronée.

L’histoire du problème du lieu au xive siècle nous présente une sorte de résumé de l’histoire entière de la Science parisienne à cette époque.


  1. V. à ce sujet : P. Duhem, Le mouvement absolu et le mouvement relatif. Conclusion (Revue de Philosophie).