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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Item se aucun disoit que la diffinicion du mouvement local est : soi avoir autrement selon lieu ou regart d’autre corps qui repose, et donques se nul corps ne reposoit, ce seroit impossible que aucun corps feust meu.

» Je di que ce ne vault, car repoux est privation de mouvement, si comme dit Aristote en cest chapitre, et doncques n’est pas repos de l’essence de mouvement, et ne doit estre mis en diffinicion. Mes aventure aucun disoit que estre meu selon lien est autrement soy avoir ou regart d’autre corps, soit meu ou non meu. Oncor di-ge que ce ne vault. Premièrement que, hors le munde, est une espace imaginée infinie et immobile, si comme il fut éclairé en la fin du XXIVe chapitre du premier, et est possible sans contradiction que tout le munde feust meu en celle espace de mouvement droit, et dire le contraire est un article condempné à Paris ; et ce posé, nul autre corps ne seroit auquel le munde se cust autrement selon lieu ; et doncques ne vault la descripcion dessus dicte.

» Item posé par ymaginacion, et si comme il est possible, que Dieu, par sa puissance, creast II corps séparez un de l’autre, et soient a et b, et que nul autre corps ne fust fors ces II, et qu’ilz feussent meus semblablement un comme l’autre ; et donc se auroient-il un ou regart de l’autre touziours semblablement, et a ne se aurait autrement à quelconque autre corps, ne b auxi ; et doncques estre meu n’est pas soy avoir autrement a autre corps.

» Item posé que a fust meu et que b resposast, a et b se auroient autrement à l’autre du tout en telle matière que se b estoit meu et a resposast ; et donc l’en ne porroit assigner cause ne raison pourquoy a soit plus meu que b ou resposast plus que b, se estre meu estoit soy avoir autrement ou regart d’autre corps…

» Item, posé par ymaginacion que la terre feust meue, par l’espace d’un jour, de mouvement ournal et que le ciel reposast, et, après ce temps, la chouse feust si comme elle est ; je di que, en ce temps, le ciel et la terre ne se auroient au regart de l’autre autrement qu’ils avoient devant ce temps ne qu’il ont après, mes du tout en tout par semblable manière, sanz point de différence ; et donc ques se estre meu estoit avoir soy autrement à autre, l’en ne pourrait dire pourquoy le ciel reposast en ce temps plus que autre foiz…

» Item estre eschauffé ou autrement altéré n’est pas soy avoir autrement à autre corps, mes si le corps qui eschauffe se a autrement à autre, c’est par accident, et hors l’essance de ceste altération ou mouvement. Et doncques, par semblable, estre meu selon lieu est soy avoir autrement en soy meisme ou regart de l’espace