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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’Escripture qui dit de Dieu (Job XVIe) ; Qui extendit aquilam super vacuum.

» Semblablement pour ce que la cognoissance de nostre entendement despent de noz sens qui sont, corporelz, nous ne povona comprendre ne proprement entendre quelle est ceste espace incorporèle qui est hors le ciel, et toutevoies raison et vérité nous fait cognoistre que elle est. »

Voilà donc admis, hors du Monde, cet espace vide et indéfini que posaient les Stoïciens : mais le voilà, en même temps, identifié à l’immensité de Dieu qui est Dieu même.

À cet enseignement, l’Évêque de Lisieux fait plusieurs fois allusion au cours du Traité du Ciel et du Monde.

« Mais de Dieu, dit-il[1], la duracion est éternité indivisible et sans succession de laquelle fust dit ou XXIIIe chapitre du premier ; sa position est immensité indivisible et sans extention, de laquelle fut dit ou secont chapitre du secont. »

Peu après, discourant des suppositions qu’on peut faire sur le futur séjour des corps glorifiés, il écrit[2] : « Une est que l’espace où il seront soit maintenant simplement vuide ; et quant il i seront, que il n’i ait aultre corps qui les contiègne, mais est un lieu ymaginé, vuit et infini ; c’est l’immensité de Dieu meisme… Et peut estre que ce entendoit Job, quant il dist de Dieu : Qui extendit aquilonem super celum. »

Cet espace infini ou, en d’autres termes, cette immensité de Dieu va être, au gré d’Oresme, le lieu immobile qui sert de repère à tout mouvement local ; cette hypothèse lui semblera propre à éviter toutes les objections auxquelles achoppent les autres théories[3].

« …La seconde conséquence estoit : car se le ciel est meu perpétuellement, il convient que la terre repose au milieu du ciel.

» Je di que non. Premièrement, car nous voions que une roe, si comme la roe d’un molin, est mené toute sanz ce que ou milieu de elle respose quelconque partie d’elle ne autre chouse, fors seulement I point indivisible, lequel n’est rien fors selon ymagina-

  1. Nicole Oresme, Op. laud., liv. IV ; « Après sunt trois chapitres du translateur, et sunt comment les choses dehors ce monde sunt en lieu, et comme elles sont meues, et est le premier chapitre des choses incorporelles, et est le disième chapitre. » Ms. cit., fol. 120, col. c.
  2. Nicole Oresme, Op. laud., liv. IV : le XIe chapitre est quant à ce des choses corporelles. » Ms. cit., fol. 121, col. a.
  3. Nicole Oresme, Op. laud., liv. II, ch. VIII ; ms. cit., fol. 56 ; col. a, à fol. 57, col. c.