Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
LE LIEU

cette question : Pourquoi cela a-t-il été fait ? Je répondais : Parce que cela revient au même que si cela avait été fait.

» En quatrième lieu, toute la difficulté demeure ; d’où provient, en effet, cette équivalence ?

» Je ne puis donc voir que l’immobilité du premier Moteur, car toute créature est mobile. »

C’est donc « ce premier Moteur qui est le terme du mouvement local. »

Avant de poursuivre la lecture de François de Mayronnes et de rapporter ce qu’il répond à la question posée : Le Ciel ultime est-il en un lieu ? arrêtons-nous un moment à ce que nous venons d’entendre de sa bouche. Ces propos, en effet, ont grandement retenu l’attention de Nicolas Bonet.

Nicolas Bonet, comme nous le verrons au prochain chapitre, a pleinement admis l’opinion que François de Mayronnes professait au sujet du temps ; il y a vu un rapport de présence, changeant d’une manière successive, entre les choses et la première Intelligence. D’autre part, il est tenté de ne pas admettre, au sujet du lieu, la théorie, corrélative de celle-là, qu’avait proposée le franciscain provençal. De là, en son enseignement, des fluctuations que nous ne saurions passer sous silence.

Voici une première circonstance où Bonet est amené à discuter la doctrine de François de Mayronnes[1].

Il s’est demandé à quoi appartient essentiellement la propriété de fournir un lieu, de loger autre chose ; cette question, la terminologie scolastique l’énonce ainsi ; « Quelle est la raison formelle de la locabilité active ? » À cette question, notre auteur a répondu de la façon suivante : Ce qui est essentiellement capable de fournir un lieu, « ce qui est la raison formelle de la locabilité active, c’est la nature commune aux dix catégories. Et voici la raison de cette affirmation : Tout ce qui peut être le terme d’une présence acquise par le mouvement local, tout cela peut jouer d’une manière active le rôle de lieu ; or la nature, en tant qu’elle est commune aux dix genres suprêmes, peut être tenue d’une présence acquise par le mouvement local ; cette nature est donc la raison formelle de toute localisation active. »

Ce que Nicolas Bonet nomme ici la nature commune aux dix catégories, c’est certainement ce qu’Avicébron appelle la substance qui porte les dix prédicaments ; c’est toute substance hors l’Être

  1. Nicolai Boneti Physica, lib. VIII, cap. II ; Bibl. nat., fonds latin, ms. no 6678, fol. 175, ro.