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LE LIEU

qu’il ait, à chaque instant, une position différente de celle qu’il avait auparavant, cette position étant rapportée à un objet immobile ; ou, du moins, ce corps se comporterait différemment, d un instant à l’autre, par rapport à un objet immobile, s’il existait un tel objet ; je dis cela pour le cas où l’on supposerait que l’Univers entier se meut soit d’un mouvement de translation, soit d’un mouvement de rotation. »

On ne peut donc concevoir le mouvement local d un corps sans concevoir un repère fixe auquel on rapporte à chaque instant la position de ce corps ; mais, pour que le mouvement en question puisse se réaliser, il n’est pas nécessaire que le terme de comparaison, immobile, existe d’une manière actuelle et concrète. Ce principe fondamental, posé dans l’Antiquité par Simplicius, est repris au xive siècle par les maîtres parisiens les plus célèbres, par Guillaume d’Ockam, par Walter Burley, par Albert de Saxe, par Marsile d’Inghen.

L’Université de Paris a connu successivement deux maîtres du nom de Jean Buridan.

Le premier était né à Béthune, selon la tradition et, très certainement, dans le diocèse d’Arras ; sa vie ne se prolongea que peu de temps au delà du milieu du xive siècle ; il est le grand philosophe auquel on doit les Questions sur la Physique et les Questions sur la Métaphysique souvent citées au cours du présent ouvrage.

Le second enseignait à Paris vers la fin du xive siècle et dans les premières années du xve siècle. On a de lui un assez grand nombre d’ouvrages que i on a pris pour œuvre du premier Jean Buridan. Plusieurs des ouvrages de Jean II Buridan ont été imprimés. Telles sont les Quæstiones in libros de Anima et les Quæstiones in parva naturalia, publiées à Paris, en 1516 et 1518, dans une collection qui comprenait aussi les Questions d’Albert de Saxe sur la Physique et sur le De Cœlo, les Questions de Thémon sur les Météores : telles sont encore des Questions sur l’éthique et des Questions sur la Politique qui ont eu plusieurs éditions.

Mais de ce Jean II Buridan l’ouvrage le plus original est demeuré inédit ; il se compose de Questions sur les Météores d’Aristote[1].

En cet écrit l’auteur, à limitation d’Albert de Saxe, étudie à

  1. Nous avons consulté ces Questions dans le texte suivant : Questiones super tres primos libros Metheororum et super majorem partem quarti a Magistro Jo. Buridan ; Bibliothèque nationale, fonds latin, ms. no 14723 (Ancien fonds Saint-Victor, ms. no 712).