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LE LIEU

ajoute Albert, il n’est pas nécessaire pour cela qu’elle demeure immobile d’une manière absolue ; il suffit qu’elle ne tourne pas dans le même sens que le Ciel et avec la même vitesse angulaire de rotation. »

Enfin, il est bien vrai que les astronomes, lorsqu’ils considèrent la rotation du Ciel suprême, rapportent cette rotation à un terme fixe. Mais, comme Guillaume d Ockam, Albert pense assurément qu’il suffit à leur objet de concevoir ce terme fixe sans qu’aucun corps le réalise d’une manière concrète ; c’est évidemment ce qu’il entend dire au passage suivant[1] : « Dans le mouvement circulaire, la vitesse se mesure au moyen de l’espace linéaire véritable ou imaginé (verum vel ymaginatum) décrit en tant ou tant de temps par le point du corps qui est mû le plus rapidement… Remarquez bien que je dis, en cette conclusion, vrai ou imaginé, à cause de la sphère ultime, qui ne décrit pas un espace vrai, mais seulement un espace imaginé. »

D’aucune manière donc le mouvement du Ciel ne requiert l’immobilité de la Terre ; si la Terre est immobile, son repos doit être prouvé par d’autres raisons.

Ne nous étonnons pas de voir Albert de Saxe faire crouler tous les obstacles, tirés de la théorie du lieu, que les Péripatéticiens avaient accumulés contre l’hypothèse du mouvement terrestre ; bientôt nous apprendrons de lui qu’un de ses maîtres était partisan de la rotation diurne de la Terre ; lui-même, il attribuera à notre globe des mouvements très lents, mais incessants. Disciples de Scot et disciples d’Ockam sont, ici, tous d’accord : Ils peuvent bien croire que la Terre ne se meut pas, mais aucun d’eux ne regarde le mouvement de la Terre comme une impossibilité


X
Marsile d’Inghen. — Jean II Buridan


Vers la fin du xive siècle, les docteurs de la maison de Sorbonne et les maîtres ès arts de la rue du Fouarre partageaient leurs faveurs entre la doctrine scotiste et la doctrine occamiste.

Ces deux doctrines avaient, d’ailleurs, une partie commune de très grande importance.

  1. Alberti de Saxonia Tractatus proportionum, De motu circulari 7a conclusio.