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LE LIEU

car il est exact quelle entoure les autres sphères et qu’elle est au-dessus de ces sphères.

On peut dire encore qu’un corps est en un lieu lorsqu’il existe un terme de comparaison tel que nous puissions reconnaître que ce corps se meut ; c’est en ce sens que le Commentateur a pu dire que la Terre était le lieu du Ciel ; c’est en effet la position du Ciel par rapport à la Terre qui nous fait connaître le mouvement du Ciel. « Mais cette manière de parler est impropre ».

Comment la dernière sphère, qui n’a pas de lieu, peut-elle se mouvoir de mouvement local ? Cela ne saurait être ; aussi « la dernière sphère se meut-elle d’un mouvement qui est de même espèce que le mouvement local, mais qui n’est cependant pas un mouvement local[1] ».

Ce mouvement qui n’est pas le mouvement local, mais qui est de même espèce que le mouvement local, est celui dont l’Univers serait animé si la Cause première lui imprimait une translation[2] ; l’Univers, en effet, n’a pas de lieu, en sorte qu’il est incapable de mouvement local. Il est vrai[3] qu’Aristote et le Commentateur nieraient que l’Univers puisse subir une translation ; mais[4] un des articles décrétés par les théologiens de Paris soutient que Dieu peut le déplacer ainsi.

Pour démontrer toutefois l’impossibilité d’un tel déplacement, n’a-t-on pas cette proposition, formulée au De motibus animalium. que tout corps qui se meut requiert un corps fixe extérieur à lui-même ? Avec infiniment de bon sens, Albert de Saxe rejette[5] l’autorité de ce texte que tant de commentateurs avaient invoqué avant lui : « Dans le De motibus animalium, Aristote parle seulement du mouvement progressif des animaux ; en son mouvement, tout animal a besoin d’un appui fixe… Mais le Ciel n’a nul besoin d’un tel appui. »

Mais ne peut-on démontrer autrement l’impossibilité d’une translation de l’Univers ? « Se mouvoir[6], c’est se comporter à cha-

  1. Alberti de Saxonia Quæstiones super libros de physica auscultatione ; in lib. IV quæst. VII. — Quæstiones in libros de Cælo et Mundo ; in lib. I quæst. I ; in lib. II quæst. VIII : Ulrum omne cælum sit mobile ?
  2. Alberti de Saxonia Quæstiones super libros de physica auscultatione ; in lib. IV quæst. VII.
  3. Albert de Saxe, loc. cit.
  4. Alberti de Saxonia Quæstiones super libros de Cælo et Mundo ; in lib. II quæst. X : Utrum illa consequentia sit boua : Cælum movetur, ergo necesse est Terram quiescere ?
  5. Alberti de Saxonia Quæstiones super libros de Cælo et Mundo ; in lib. IV quæst. X ; cf. : Ibid., quæst. VII.
  6. Alberti de Saxonia Quæstiones super libros de Cælo et Mundo ; in lib. IV quæst. X.