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LE LIEU

manifeste, en effet, que cette concavité se meut d’un mouvement de rotation ; elle est donc immobile en ce sens que son mouvement lui laisse toujours la même position, qu’elle ne peut être déplacée ni vers le haut ni vers le bas. Par conséquent, le lieu de la surface ultime du feu est immobile. Mais il y a plus. Si, par impossible, l’orbe de la Lune était entièrement anéanti, jamais le feu ne montrait plus haut qu’il ne se trouve maintenant ; à son lieu, en effet, il y a une borne supérieure au delà de laquelle il ne peut monter. Ainsi la surface purement conçue (ymaginata) qui environne la dernière couche sphérique de la sphère du feu est immobile, et le lieu du feu ne se peut déplacer ni vers le haut ni vers le bas.

» L’air a, lui aussi, un lieu immobile ; c’est la concavité de la sphère du feu ; il ne peut monter naturellement au delà de cette surface. De plus, lors même que la sphère du fu serait entièrement anéantie, l’air ne monterait pas au delà de cette surface purement conçue.

» On peut en dire autant de la surface ultime de l’eau qui en est le lieu immobile et qui est la concavité de la sphère du feu. On en dira autant de la Terre à l’égard de l’eau.

» Les éléments ont aussi, cela est manifeste, des lieux qui sont immobiles vers le bas.

» Nous en avons un exemple que la Terre dont le lieu ultime et immobile est le centre du Monde, au delà duquel elle ne se meut d’aucune façon. Que ce soit possible ou impossible, supposons que la Terre entière ait été percée de part en part suivant un diamètre passant par le centre de cette Terre ; si une pierre, placée en l’air, descendait par ce trou, elle ne descendrait jamais plus loin que le centre ; là elle s’arrêterait et demeurerait en repos ; elle ne se mouvrait jamais au delà, à moins que ce ne fût par violence ; le centre, en effet, est son lieu propre et immobile ; c’est à ce lieu qu’elle tend. De même si, par possible ou impossible, la Terre entière était anéantie et qu’on laissât un grave en suspens au sein de l’air, ce grave tomberait et se mouvrait précisément jusqu’au centre purement conçu (ymaginatum) ; là ce grave demeurerait naturellement en repos bien que rien ne le soutînt.

» Il est manifeste que l’élément de l’eau a, lui aussi, un terme, une borne, un lieu absolument immobile que sa nature lui assigne dans l’Univers ; au delà de ce lieu, il, ne se meut pas naturellement ; et ce lieu, c’est la surface ultime de la Terre. Sans doute, l’eau est pesante et, par conséquent se meut vers le bas ; toutefois, elle ne descend pas purement et simplement jusqu’au centre, mais seulement jusqu’à un lieu que la nature lui a assigné, et qui est