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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

pôles est un rapport qui est immobile à l’égard du sujet (subjective) et inversement.

» Mais cette doctrine prête à critique. En effet, il ne répugne pas aux pôles du Monde de changer et de se mouvoir. Le firmament se meut d’orient en occident ; mais il n’y a ni répugnance ni contradiction à ce qu’il puisse tourner du nord vers le midi, et alors les pôles du Monde seraient changés…

» La seconde affirmation discutée au sujet de l’immobilité du lieu est celle-ci : Le lieu est immobile par rapport au centre du Monde qui est absolument immobile… Mais cette supposition-là non plus n’est pas vraie, que le centre soit immobile ; la Terre n’est incapable de mouvement ni en sa totalité ni par chacune de ses parties ; ces parties, en effet, sont toutes de même nature ; si l’une d’elles est susceptible de se mouvoir, elles le sont toutes.

» Vous objecterez peut-être que le centre du Monde est un point simplement imaginé au milieu de la Terre, à égale distance de toutes les parties de la circonférence du Ciel ; ce point-là est absolument immobile ; lors même que la terre se mouvrait, ce point-là, qui est purement conçu, serait toujours immobile.

» Je réponds que si le Ciel se déplaçait en ligne droite, ce centre, lui aussi, se déplacerait nécessairement de la même longueur, comme s’il était entraîné par la traction du Ciel. Or que le Ciel se déplace en ligne droite, cela n’implique pas contradiction et il se peut que cela soit. »

Toute l’argumentation de Nicolas Bonet repose, on le voit, sur cet axiome communément admis à Paris depuis les condamnations de 1277 : S’il plaisait à Dieu d’imposer au Ciel un mouvement soit de rotation, soit de translation autre que le mouvement qu’il possède en fait, il le pourrait faire, car cette supposition ne se heurte à aucune contradiction.

Après avoir ruiné, à l’aide de cet axiome, les propositions de Thomas d’Aquin et de Gilles de Rome sur l’immobilité du lieu, Bonet s’en prend à la théorie de François de Mayronnes. Ce qu’il en dit, nous le répéterons plus loin, lorsque nous exposerons cette théorie.

Il en vient enfin à la doctrine de l’immobilité du lieu par équivalence, doctrine qu’il semble prendre sous la forme même où elle est présentée par Duns Scot :

« La quatrième opinion[1] relative à l’immobilité du lieu est

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VIII, cap. XI. Ms. no 6678, fol. 181, ro et vo ; ms. no 16132. fol. 143, coll. b, c et d.