Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tion, que cette détermination, se font par comparaison avec repère absolument immobile.

Ce repère fixe est-il nécessairement un corps concret, existant d’une existence actuelle, ou bien suffit-il qu’il puisse être conçu sans être réalisé ? Que cette dernière opinion soit celle de Walter Burley, nous n’en saurions douter ; en effet, au sujet du lieu et du mouvement de la dernière sphère céleste, il admet pleinement[1] l’opinion de Guillaume d’Ockam.

Le Ciel suprême est en un lieu per accidens, et cela par son centre, qui se trouve en la Terre immobile. « Si l’on me dit : Le Ciel serait encore en un lieu, comme il s’y trouve actuellement, si la Terre se mouvait, je l’accorde. Si l’on fait cette objection : Le Ciel ne peut être en un lieu par son centre que si le corps central est immobile, je réponds que le Ciel est en un lieu par son centre, soit que le corps central demeure en repos, soit qu’il se meuve. Le Ciel, en effet, se comporte de telle sorte que la situation de chacune de ses parties par rapport aux parties du corps central changerait d’un instant à l’autre s’il existait un corps central immobile. En fait, le corps central par lequel le Ciel est en un lieu [à savoir la Terre], est un corps immobile ; mais si l’on supposait que ce corps central se mût, le Ciel serait encore en un lieu par son centre ; parce que, dans ce cas encore, la manière d’être du Ciel serait telle que si le corps central était immobile, la disposition des parties du Ciel par rapport aux parties de ce dernier corps central serait variable d’un instant à 1 autre. »

À cela, Burley joint une réflexion peu logique : « Si la Terre se mouvait avec la même vitesse que le Ciel, on pourrait dire encore que le Ciel se trouverait en un lieu par le centre indivisible de l’Univers entier ; car, à l’égard de ce centre, les diverses parties du ciel se comporteraient différemment d’un instant à l’autre. » Une lecture plus attentive de Jean de Jandun l’eût mis en garde contre cette erreur.

D’ailleurs, Walter Burley ne semble pas avoir toujours suivi d’une manière rigoureuse et jusqu’à ses dernières conséquences la théorie dont il posait les principes.

« L’Univers, avait dit Duns Scot, pourrait tourner lors même qu’il ne contiendrait aucun corps ; il pourrait encore tourner, par exemple, s’il était formé d’une seule sphère, homogène dans toute son étendue ; le mouvement de rotation, pris en lui-même, est donc une certaine forma fluens ; et cette forme peut exister par

  1. Walter Burley, loc. cit., fol. 92, col. d.