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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

reconnaître, c’est l’influence de Damascius et de Simplicius ; à celui qui en douterait, il suffirait, pour fixer ses hésitations, de lire la question qui suit presque immédiatement[1].

Quelque auditeur d’Ockam, ayant lu le Commentaire aux Catégories composé par Simplicius, avait, sans doute, objecté que l’ordre de l’Univers est ce terme à l’aide duquel tout mouvement local doit être apprécié. Ockam s’empresse d’établir que ce terme : L’unité ou l’ordre de l’Univers, n’implique aucun rapport qui soit distinct des choses absolues que le Monde contient.

« L’ordre ou unité de l’Univers n’est pas un certain rapport semblable à un certain lien qui unirait les uns aux autres les divers corps ordonnés dans l’Univers ; de telle manière que si ce rapport n’existait pas, ces corps ne se trouveraient pas ordonnés et l’Univers ne serait pas vraiment un, comme l’imagine Simplicius en son écrit sur les Prédicaments. Cet ordre implique seulement des choses absolues qui ne font pas une certaine chose numériquement une ; parmi ces choses, l’une est plus distante et l’autre moins distante d’une même chose ; l’une est proche d’une certaine chose et l’autre est plus ou moins éloignée de cette même chose sans qu’aucun rapport leur soit inhérent ; il arrive seulement qu’entre certaines d’entre elles il y a un intermédiaire et entre d’autres non. Ainsi la connexion de l’Univers se sauve mieux sans ce rapport qu’elle ne se sauverait avec un tel rapport. »

C’est donc bien la lecture de Simplicius et, partant, ce que celui-ci rapporte des idées de Damascius qui a suggéré à Ockam sa thèse essentielle sur le lieu : Le terme fixe auquel on rapporte tout mouvement local n’a pas besoin d’être un corps immobile concret et actuellement existant dans l’Univers. Mais Ockam tient à affirmer que ce terme fixe n’est rien du tout qu’une conception de notre esprit. Il ne veut pas qu’à l’exemple de Damascius et de Simplicius, on prenne pour terme fixe un certain ordre de l’Univers auquel on attribuerait une sorte d’existence idéale, distincte de l’existence des corps qui forment le Monde.

La doctrine que le lieu immobile auquel on rapporte le mouvement du Ciel et une pure conception de l’esprit et n’a pas besoin de se réaliser dans un corps concret, a été esquissée dans les Summulæ et complétée dans les Quodlibeta ; les Quæstiones super libros Physicorum la reprennent à leur tour pour la formuler avec une grande netteté.

Pour trouver cette formule précise, il nous faut lire la réponse à

  1. Gulielmi de Ockam Op. laud., quodlib. VII, quæst. XIII.