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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

seule immobilité que possède le lieu, c’est l’immobilité par équivalence, telle que l’ont définie Duns Scot et Jean le Chanoine. Guillaume d’Ockam attribue la plus grande importance à cette notion d’immobilité par équivalence ; il croit qu’elle exprime d’une manière explicite ce qu’Aristote et le Commentateur ont pensé implicitement ; elle lui semble propre à interpréter tout ce qu’ils ont dit au sujet de l immobilité du lieu.

Ockam pense même tirer de la notion de lieux équivalents la solution de difficultés que, manifestement, cette notion ne suffit pas à faire évanouir.

Certaines Scolastiques ont voulu trouver dans la surface ultime de l’Univers le repère immuable que requiert l’immobilité du lieu ; Duns Scot a condamné leur erreur ; selon le Venerabilis Inceptor, leur manière de voir peut être reprise à la condition d’interpréter l’identité qu’ils attribuent à cette surface comme une simple équivalence. « Par là, on peut expliquer ce que l’on entend en disant que la totalité du Ciel est le lieu d’un corps ; en effet, lorsque ce corps demeure en repos, chacune de ses partie se trouve toujours à égale distance du Ciel ; à tout instant, la distance d’une partie du corps aux parties ultimes du Ciel est toujours mesurée par une même grandeur… C’est pour cette cause qu’un corps est dit en repos sur la Terre en dépit du mouvement de l’air ou du Ciel… Peu importe que le Ciel se meuve ou non, pourvu qu’il ne soit pas animé d’un mouvement de translation. De la sorte, on pourra aussi bien expliquer le repos de ce corps et la constance de sa distance au Ciel, que le Ciel se meuve ou non ; on l’expliquera aussi aisément que s’il existait des pôles immobiles, comme le veulent certains physiciens ; l’immobilité des pôles ne fait donc rien à la question. »

L’inadvertance d’Ockam est trop évidente pour qu’il soit utile d’y insister ; il est clair que tout ce qu’il a dit d’un corps immobile pourrait aussi bien se répéter d’un corps qui tournerait autour du centre du Monde. Pour erroné soit-il, son argument n’en est pas moins intéressant en un point ; cet argument repose sur la supposition que le Ciel est animé seulement d’un mouvement de rotation et point d’un mouvement de translation. Cette hypothèse, le Veneraliilis Inceptor la formule à plusieurs reprises et avec insistance. « On ne peut se servir du centre du Monde, répte-t-il après Gilles de Rome, pour reconnaître l’immobilité et l’identité par équivalence d’un lieu, qu’à une condition ; c’est que cette même immobilité puisse être tout d’abord conclue de l’absence de tout mouvement de translation dans le Ciel ; c’est parce que le Ciel n’a de mouvement d’ensemble ni d’un côté, ni de