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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

parties ultimes qui, toutes, sont lieu. Si une partie ultime touche, par son côté droit, le corps logé, la moitié droite de cette partie tangente est encore partie ultime, et la moitié de cette moitié est aussi partie ultime, et ainsi à l’infini.

» D’une seconde manière, on nomme partie ultime contiguë au corps logé celle qui se trouve après toute autre partie contiguë au corps logé. En ce dernier sens, il n’y a aucune partie qui soit partie ultime. »

C’est le principe qu’au cours des discussions sur l’infini actuel, Jean Buridan et Albert de Saxe opposeront sans cesse à Grégoire de Rimini.

Séparé du système scotiste au sujet de l’essence du lieu, le système ockamiste s’en sépare encore au sujet de l’immobilité de ce même lieu.

Pour Duns Scot, le lieu était une certaine entité ; cette entité pouvait naître ou périr ; le lieu était donc déclaré capable de génération et de corruption. « En tant qu’elle regarde le lieu d’un corps comme remplacé par un autre lieu, lorsque la matière ambiante se meut de mouvement local, cette opinion est vraie, dit Ockam[1] ; mais en tant qu’elle admet la corruption du lieu par suite de ce mouvement local, elle est erronée ; elle procède de cette fausse imagination que le lieu est une certaine relation réellement distincte du corps contenant. »

Cette même fausse imagination dicte à Duns Scot une autre proposition erronée, à savoir que le lieu est incapable de mouvement local : le lieu est un corps ; il est donc lui-même en un lieu et il peut se mouvoir.

Il est même susceptible de se mouvoir de deux manières :

Lieu d’un corps, il peut se mouvoir pour devenir lieu d’un autre corps ; si, par exemple, un pieu plongé dans le courant d’une rivière est immédiatement suivi d’une pierre, l’eau qui, à un certain instant, touche le bois et en forme le lieu, vient, un moment après, toucher et loger la pierre.

Le lieu d’un corps peut aussi se mouvoir non pour devenir le lieu d’un autre corps, mais simplement pour se trouver lui-même en un autre lieu, sans loger aucun corps étranger ; après avoir baigné la pierre, les parties de l’eau que cette pierre séparait les unes des autres se rapprochent et se conjoignent, elles ne sont plus lieu, mais elles sont en un lieu.

Fermement attaché à la première définition du lieu qu’Aristote

  1. Gulielmi de Ockam Summulæ in libros Physicorum ; lib. IV, cap. XXII.