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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

que Gilbert de la Porrée a écrit au sujet du prédicament ubi, il ne prononce le mot ubi ; il semble qu’à l’opposé du Docteur Subtil, son maître, il n’attribue à l’ubi aucune réalité.

Lorsqu avec Jean le Chanoine, Antonio d’Andrès nie que la sphère suprême ait un lieu au sens propre du mot, il semble subir l’influence de Roger Bacon, influence qui fut assurément très puissante en l’École franciscaine du xive siècle ; lorsqu’il laisse entièrement de côté la notion d’ubi pour ne s’attacher qu’à l’idée de lieu, il prépare la philosophie parisienne de Grégoire de Rimini, de Jean Buridan et d’Albert de Saxe.

En un prochain chapitre, nous aurons occasion d’analyser un autre écrit d’Antonio d Andrès ; en cet écrit, nous le verrons faire allusion à l’ubi ; mais plus encore qu’en celui-ci, nous le verrons s’éloigner de l’enseignement de Duns Scot et de Jean le Chanoine,

En un troisième ouvrage[1], au contraire, Antonio d’Andrès s’exprime, au sujet de l’immobilité du lieu, presque dans les mêmes termes que Jean le Chanoine.

« Selon le Philosophe, dit Andrès[2], le lieu est la partie ultime du contenant ; il est immobile et incorruptible. Certains expliquent l’immobilité du lieu en disant que le lieu matériel est, il est vrai, immobile ; mais le lieu formel, qui exprime l’ordre aux divers parties de l’Univers, c’est-à-dire au centre et à la circonférence du Monde, est immobile et incorruptible.

« Je déclare, en peu de mots, qu’un tel lieu [formel] est corruptible. » En faveur de cette proposition : Le lieu est incapable de mouvement local, mais il peut être engendré ou détruit, notre auteur développe une argumentation toute semblable à celle de Jean le Chanoine. Puis il poursuit en ces termes :

« Bien plus : Je dis que tout lieu, en tant qu’il exprime un rapport, est corruptible ; mais en tant qu’il désigne la surface ultime du corps contenant, il peut être incorruptible. Cela est évident s’il s’agit des surfaces concaves des divers cieux, car ces surfaces ne sont pas susceptibles de corruption ; et cependant, comme elles sont mobiles, le rapport que chacune d’elles a au corps logé est corrompu par l’effet même du mouvement de cette surface. Ici, je

  1. Ant, Andreæ, Conventualis franciscani, ex Aragoniæ provincia ac Ioannis Scoti doctoris subtitis discipuli celeberrimi. In quatuor Sententiorurn Libros opus longe absolutissimum : Quod, cum diu latuerit : a F. Constantio A Sarnano ejusdem ordinis, è tenebris jam nunc vindicatum… ; felicio auspicio prodit… Venetiis, Apud Damianum Zenarum. MDLXXVIII ; lib. II, dist. III, quæst. V : Utrum angelus sit in loco ; fol. 53, col. b.
  2. Antonio d’Andrès, loc. cit., fol, 53, coll. c et d.