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LE LIEU

de retenir l’attention ; elle est une des plus importantes parmi celles que la théorie du lieu a suscitées au sein de l’École scotiste.

Dès le début, notre auteur fait cette déclaration[1], où nous reconnaissons clairement l’inspiration du Docteur Subtil :

« Je dis que cette question présente une difficulté préliminaire. Selon notre foi, en effet, comme le premier Mobile est contenu par le ciel empyrée, il en résulte qu’il est en un lieu. Selon les philosophes, au contraire, il n’est contenu par rien mais contient toutes choses ; cependant, il se meut de mouvement local (movetur localiter) ; cela posé, surgit la difficulté : Comment le peut-on mettre en un lieu. Cette difficulté subsiste, d’ailleurs, si l’on suit l’enseignement de la foi touchant le ciel empyrée ; sans doute, le ciel empyrée n’est point mû de mouvement local ; mais Dieu le pourrait mouvoir de mouvement local ; or il n’est point en un lieu, puisqu’il n’est contenu par rien. »

Après avoir exposé, discuté et rejeté les trois solutions qu’ont proposées Avicenne, Thémistius et Averroès, notre auteur nous donne sa propre solution, qu’il formule en ces termes[2] :

« Je dis que le Ciel n’est pas en un lieu et n’est pas mû en un lieu ; cependant, il est mû de mouvement local, parce que son mouvement a un ubi pour terme. Dico quod celum non est in loco nec movetur in loco ; movetur tamen localiter, quia motus ejus terminatur ad ubi. »

C’est pour justifier cette réponse quelque peu surprenante que François développe sa théorie de l’ubi et du mouvement local.

« Pour l’évidence de cette doctrine, il faut savoir qu’il y a deux sortes d’ubi comme il a deux sortes de circonscriptions. Il y a une circonscription active, celle du corps qui circonscrit ; et il y a une circonscription passive, celle du corps qui est circonscrit et contenu. De même, il y a deux sortes d’ubi : L’ubi passivum, qui est celui du corps logé, et l’ubi activum qui est celui du corps logeant.

» Or ces deux ubi sont de même genre ; si donc l’un d’eux est naturellement apte à servir de terme au mouvement local, l’autre l’est aussi. En effet, lorsque deux choses sont de même genre, si l’une d’elles peut jouer le rôle de terme à l’égard d’un certain mouvement, l’autre le peut également. Mais le mouvement [local] se peut terminer à l’uni passif ; il se peut donc aussi bien terminer à l’uni actif, qui est de même genre que l’ubi passif.

  1. François de la Marche, loc. cit. ; ms. cit., fol. 107, coll. c et d.
  2. François de la Marche, loc. cit. ; ms. cit., fol. 107, col, d.