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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’argumentation nouvelle[1] par laquelle ses Quæstiones in libros de Cælo prétendent rattacher l’immobilité de la Terre à la mobilité du Ciel.

Les générations et les corruptions qui se produisent en la région des éléments exigent qu’il exisle un objet par rapport auquel la disposition du Ciel change d’un instant à l’autre, c’est-à-dire qu’il y ait en la concavité du Ciel un corps central immobile. Le mouvement du Ciel requiert donc l’immobilité de la Terre afin de mettre en ce mouvement la diversité qu’exige la génération des êtres inférieurs et, particulièrement, des animaux.

Cette argumentation fait renaître une objection qui paraissait dissipée ; il semble, en effet, que la génération des êtres inférieurs et, partant, l’immobilité de la Terre, soient la cause finale du mouvement du Ciel ; ce qu’il y a de moins noble dans l’Univers serait proposé comme sujet au mouvement du corps le plus noble.

Cette conclusion ne répugne pas[2] absolument à Jean de Jandun. Sans doute, la génération et la conservation des êtres qui subsistent dans la région des éléments n’est pas la cause finale directe et principale des mouvements célestes, mais on peut admettre qu’elle en soit cause finale d’une manière indirecte et à titre secondaire.

L’immobilité de la Terre n’est pas la cause du mouvement du Ciel ; elle n’est pas moins une condition nécessaire[3] ; il faut au moteur du Ciel une Terre immobile pour qu’il puisse exercer son action.

De là résulte qu’il est absolument impossible que la Terre se meuve ou qu’elle s’écarte du centre du Monde[4].

Pour que le Ciel puisse accomplir sa révolution uniforme, il faut que la Terre demeure immobile en son centre. Si la Terre se mouvait, il faudrait que le Ciel s’arrêtât ; si elle était chassée hors de son lieu, il faudrait ou bien que le Ciel se déplaçât lui aussi, ou bien que son mouvement prît fin.

Or, ces deux hypothèses sont impossibles. Le Ciel qui, à proprement parler, n’est pas en un lieu, ne peut subir aucun déplace-

  1. Joænnis de Janduno Quæstiones in libros de Cælo ; in lib. II, quæst. IV : An Terra propler Cæli motum neccssaria sit ?
  2. Joænnis de Janduno Quæsfiones in libros de physica auscultatione : in lib. IV, quæst. IX : An ultima sphæra sit in loco ?
  3. Joænnis de Janduno Quæstiones de motibus animalium ; quæst. VI : Num Cælum in motu suo indigeat aliquo corpon ? quiescente.
  4. Joænnis de Janduno Quæsfiones de motibus animalium ; quæst. IX : Utrum Cæli motor sit majoris virtutis in movendo, quam Terra in quiescendo ?