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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

bien, cependant, qu’il penche vers celle d’Averroès ; il s’applique à dissiper les doutes qu’elle pourrait suggérer.

Parmi les difficultés qui sont susceptibles d’engendrer de tels doutes, il en est une que le Pseudo Thomas d’Aquin avait déjà examinée en son opuscule De natura loci : « Un commençant, dit Jandun, pourrait être arrêté par le doute que voici : Si l’orbe suprême est en un lieu par son centre,… il en est de même, et pour la même raison, des autres orbes ;… chaque orbe se trouve ainsi logé per accident : mais, si l’on excepte l’orbe suprême, chaque orbe est aussi logé per se, car un autre corps l’entoure et le contient. Un même corps serait donc à la fois en un lieu per se et en un lieu per accidens, » Thomas d’Aquin, en son opuscule, n’avait pas hésité à regarder cette conclusion comme logiquement déduite et comme acceptable. L’avis de Jean de Jandun semble plus hésitant : « Peut-être, dit-il, n’y a-t-il pas d’inconvénient à ce qu’il en soit ainsi, pourvu que le corps logé se trouve, d’une part, en un lieu per se et, d’autre part, en un lieu per accidens, par rapport à des corps divers ; si c’était par rapport au même corps, et de la même manière, ce serait impossible. »

Cette difficulté n’est pas la seule que Jandun examine ; mais les autres, comme il en fit la remarque, ont trait à des problèmes qui sont examinés au traité Du Ciel et au livre Du mouvement des animaux. Recourons donc aux questions sur ce dernier livre, car Jandun y a examiné avec grand détail la relation qui unit, selon l’enseignement péripatéticien, la fixité de la Terre au mouvement du Ciel.

Pour qu’un animal puisse progresser, faut-il qu’il existe hors de lui un corps fixe ?

« La raison pour laquelle le mouvement du Ciel requiert un corps fixe hors du Ciel prouve également que le mouvement de l’animal exige un terme immobile ; et même, au dire du Philosophe, elle est plus puissante en ce dernier cas.

« Voici quelle est cette raison commune au mouvement du Ciel et au mouvement des animaux : Se mouvoir, c’est se comporter maintenant d’une manière autre qu’auparavant ; il faut donc qu’il existe un repère par rapport auquel la manière d’être du mobile change d’un instant à l’instant suivant. Mais ce qui se meut, se meut dans 1’espace géométrique (super magnitudinem) ; partant, il doit exister dans l’espace géométrique un objet par rapport auquel la situation du mobile change avec le temps. Or, si l’on dit que le mobile sc comporte autrement, par rapport à un certain objet, aux diverses époques de la durée, c’est que cet objet est