Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
LE LIEU


III
JEAN DE JANDUN


Nombreux vont être, après Duns Scot, ceux qui s’efforceront de trouver cette réponse ; il en sera quelques-uns, cependant, qui ne la chercheront pas, parce qu’en dépit des condamnations par Étienne Tempier, ils continueront, avec Aristote et Averroès, a déclarer que le corps central du Monde demeure nécessairement immobile, que la sphère suprême ne saurait recevoir d’autre mouvement que sa rotation uniforme. C’est parmi ces philosophes fidèles à la tradition péripatéticienne que nous trouvons Jean de Jandun. Si respectueuse du passé, d’atilleurs, que soit sa théorie du lieu, elle n’est pas sans renfermer certaines remarques nouvelles que nous retrouverons parfois, à côté de pensées émises par Duns Scot, dans l’enseignement des maîtres de Paris.

Jean de Jandun donne sa théorie du lieu en plusieurs des questions qu’il a rédigées sur la Physique d’Aristote, sur le De Cœlo et Mundo, enfin sur le traité Du mouvement des animaux[1].

Le maître averroïste définit le lieu[2] comme l’a fait Aristote : le lieu d’un corps, c’est la partie ultime de la matière qui contient ce corps. Mais par cette partie ultime il ne faut point entendre, comme Ockam l’affirmera, un certain volume du corps contenant, confinant au corps contenu ; le lieu a longueur et largeur, mais il n’a pas de profondeur ; au point de vue matériel et quantitatif, c’est, une surface simple.

Il réside dans le corps contenant et non dans le corps contenu ; il doit, à cet égard, être distingué de l’ubi ; l’ubi, dont Jean de Jandun, comme Duns Scot, emprunte la définition à l’Auteur des Six principes, est le terme essentiel et intrinsèque du mouvement local ; le lieu n’en est point le terme, ou bien il n’en est le

  1. Ces questions de Jean de Jandun sur ce traité se trouvent parmi les questions sur les Parva naturalia qui n’ont pas eu d’autre édition que la suivante : Ioan. Gandavensis Philosophi acutissimi Quæstiones, Super Parvis naturalibus, cum Marci Antonii Zimaræ De Movente et Moto, ad Arislotelis et Averrois intentionem absolutissima quæstione, ac variis margineis scholiis hinc inde ornatæ. Nunc denno per Albratium Apulum, in Gymnasio Patavino Philosophiam publicè profitentem quàmdiligentissime amendatæ… Venetiis, apud Hieronymum Scotum , MDLVII.
  2. Joannis de Janduno Quæstiones super octo libros Aristotelis de physico auditu ; in lib. IV, quæst. IV : An locus si ultimum continentis ?