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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Dieu peut-il donner au ciel ultime un mouvement de translation ? » À l’appui des raisons qui justifient une réponse affirmative, il a soin de placer celle-ci : « Cet article : Dieu ne pourrait mouvoir le ciel d’un mouvement rectiligne, a été excommunié par Monseigneur Étienne, évêque de Paris et docteur en sacrée Théologie. »

Dieu, dit Richard de Middlelon, pourrait donner au Ciel entier un mouvement de translation. Sans doute, hors du Ciel ultime, il n’y a pas de lieu, pas d’espace, et aucune chose ne saurait, par quelque puissance que ce soit, fût-ce la puissance divine, être mue d’un mouvement de translation s’il n’existe, hors d’elle, quelque espace ; mais Dieu pourrait créer un espace hors du Monde.

En outre, sans qu’il ait pour cela à créer aucun espace, Dieu pourrait mouvoir de mouvement rectiligne une partie du Ciel, faire descendre, par exemple, une partie du Ciel Empyrée jusqu’à la Terre.

La pensée qu’un déplacement rectiligne du Monde entraînerait la production du vide n’effraye pas notre Franciscain. Dieu, dit-il, peut produire le vide ; il pourrait anéantir tous les corps qui existent entre le Ciel et la ferre, sans mouvoir ni le Ciel, ni la Terre ; cela fait, il n’y aurait plus aucune distance entre le Ciel et la Terre, car la distance entre deux corps est constituée par les créatures qui leur sont interposées ; mais le Ciel et la Terre ne seraient pas, non plus, conjoints l’un à l’autre, car sans les modifier aucunement, Dieu pourrait, entre le Ciel el la Terre, créer des corps et, partant, une distance : ne pas être distants, ce n’est donc pas, pour deux corps, la même chose qu’être conjoints ; il n’y a pas de contradiction à affirmer qu’ils ne sont ni distants, ni conjoints ou, en d’autres termes, que le vide existe entre eux.

D’ailleurs, Richard de Middleton remarque que l’on opposerait à tort l’impossibilité du vide à la possibilité d’un déplacement rectiligne du Monde ; le Ciel, en effet, n’est pas en un lieu ; une translation du Ciel ne produirait pas de vide.

Richard de Middlelon ne nous présente, au sujet de la question qui vient d’être examinée, rien qui puisse retenir bien fortement l’attention du philosophe. Mais les passages que nous avons analysés méritent d’être notés par l’historien de la Philosophie. Nous y voyons les décrets portés par la Théologie catholique contraindre les physiciens à reprendre l’examen des propositions que leur avait léguées le Péripatétisme. La possibilité du vide, si fermement niée par Aristote, sera, comme nous le verrons au chapitre suivant,