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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

site de Paris vont contredire aussi bien par leurs astronomes que par leurs théologiens.

Une de ces conséquences a été formulée par Averroès : Si toute circulation céleste se produit nécessairement autour d’un corps central immobile, le système astronomique de Ptolémée est inadmissible ; il faudrait imaginer une terre au centre de l’excentrique de chaque planète ; il en faudrait mettre une autre au centre de tout épicycle.

Or, au commencement du xive siècle, le système astronomique de Ptolémée règne sans conteste sur les Franciscains qui subissent l’influence de Duns Scot, et sur les maîtres de la Faculté des Arts de Paris. Sans doute, l’ingénieux agencement d’orbites imaginé par Ibn al Haitam et prôné par Bernard de Verdun a fait tomber la plupart des objections qu’Averroès avait dressées contre ce système. Il en reste une debout, cependant, et c’est précisément celle que nous venons de rappeler. Parmi les trois orbes que Bernard de Verdun attribue à chaque planète, il en est un, l’orbe intermédiaire, qui décrit une révolution autour d’un simple point géométrique qu’aucune masse immobile n’incorpore. Si l’on veut mettre hors de conteste la théorie astronomique de l’Almageste, il faut renoncer à cet axiome : La rotation d’une orbite céleste exige qu’une Terre immobile occupe le centre de cette orbite.

Selon les doctrines qui viennent d’être exposées, l’immobilité de la Terre au centre du Monde est nécessaire non pas seulement de nécessité physique, mais de nécessité logique ; la nier, ce serait priver de sens toute notion de lieu et de mouvement, ce serait proclamer une absurdité,

Affirmer l’immobilité de la Terre au centre du Monde, c’est affirmer l’immobilité de l’Univers secundum substantiam. Les diverses parties de l’Univers peuvent bien échanger entre elles les lieux qu’elles occupent, en sorte que le Monde soit mobile secundum dispositionem ; mais l’Univers ne peut subir aucun déplacement d’ensemble ; il demeure enfermé en une sphère qui est invariable, car le centre en est absolument fixe. Parler d’un déplacement d’ensemble de l’Univers ce serait parler d’une impossibilité logique. La toute-puissance de Dieu elle-même ne pourrait produire ce déplacement, qui implique contradiction.

Or, voici que l’orthodoxie chrétienne s’irrite des innombrables entraves qu’au nom de la Logique, le Péripatétisme et l’Averroïsme prétendent imposer à la Toute-Puissance divine ; ces entraves, elle entend les briser. En 1277, à la demande du pape Jean XXI, l’évêque de Paris, Étienne Tempier, convoque une assemblée de doc-