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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

soit la Terre ou l’Empyrée ; s’il n’a aucun mouvement de translation, il le doit « à sa nature et à la volonté de Dieu. »

Vers la fin du xive siècle cependant, cette doctrine trouva un défenseur déterminé en la personne du célèbre Pierre d’Ailly.

En une[1] de ses Quatorze questions sur la Sphère de Sacro-Bosco, qui ont eu une si grande vogue et, sur l’enseignement de l’Astronomie, une si puissante influence, Pierre d’Ailly se demande combien on doit compter d’orbes célestes :

« Au delà des sphères mobiles, il faut probablement poser une sphère immobile. Plusieurs raisons nous en peuvent persuader. Voici la première : On suppose, tout d’abord, qu’un corps qui se meut de mouvement local change de lieu soit dans son ensemble, soit par ses parties… Il en résulte que tout corps qui se meut de mouvement local est en un lieu, faute de quoi il n’en pourrait changer. Ces principes posés, on raisonne de la manière suivante : Par hypothèse, toute sphère mobile se meut de mouvement local ; donc, selon le premier principe, elle change de lieu soit dans son ensemble, soit par ses parties ; donc aussi, selon le second principe, elle est en un lieu ; partant, chacune des sphères mobiles doit être en un lieu ; elle ne saurait y être par la sphère qui lui est inférieure, car le lieu doit entourer le corps logé ; chaque sphère mobile doit donc être logée par une sphère qui lui soit supérieure, en sorte qu’au delà des sphères mobiles, il doit exister une autre sphère qui demeure en repos. »

Cette argumentation montre fort bien, dans l’hypothèse d’un Empyrée nécessairement immobile, l’aboutissant naturel de la théorie péripatéticienne du lieu.

L’opinion que Campanus de Novare et Pierre d’Ailly ont soutenue touchant le lieu de l’Univers mérite au plus haut degré d’être remarquée ; en effet, elle est, au fond, identique à celle qu’embrassera Copernic ; celui-ci aussi prendra pour lieu de tous les corps de l’univers, pour terme immuable auquel les mouvements locaux de ces corps sont tous rapportés, une sphère immobile circonscrite au Monde ; seulement cette sphère immobile ne sera plus l’Empyrée ; ce sera le ciel des étoiles inerrantes.

  1. Reverendissimi Domini Petri de Aliaco, Cardinalis et Episcopi Cameracensis, Doctorisque celebralissimi, Quatuordecim quæstiones in Sphæram Johannis de Sacro-Bosco ; quæst. II : Utrum sint præcise 9 sphæræ cælestes et non plures nec pauciores.