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LE LIEU

s’exprime le savant astronome que ce pape avait pris pour chapelain :

« Au delà de la surface convexe de ce neuvième orbe, y a-t-il quelque autre chose, une autre sphère par exemple ? Cette conclusion ne s’impose pas par nécessité de raison. Mais, instruits par la foi, acquiesçant avec respect à l’opinion des saints docteurs de l’Église, nous confesserons qu’au delà de ce neuvième Ciel se trouve l’Empyrée, où est la demeure des bons esprits. »

L’Empyrée est-il le dixième Ciel, directement contigu à la neuvième orbite ? Entre cette orbite et l’Empyrée, faut-il placer un Ciel aqueux, ce qui attribuerait au Ciel suprême le onzième rang ? Campanus hésite entre ces deux partis. Mais c’est avec assurance qu’il formule-la conclusion suivante :

« Au delà de la surface convexe de l’Empyrée, il n’y a rien ; elle est la limite suprême de toutes les choses corporelles, la surface la plus éloignée du centre commun de toutes les sphères, c’est-à-dire du centre de la Terre. C’est pourquoi elle est le lieu général et commun de toutes les choses qui sont contenues, car elle contient toutes choses, et rien d’étranger ne la contient. »

Ces derniers mots : « Omnia continens et a nullo alio contenta » reproduisent presque textuellement la formule dont avait usé Saint Bonaventure.

De la théorie de Campanus, nous trouvons un exposé singulièrement net dans cette Summa philosophiæ que certains manuscrits attribuent à Robert Grosse-Teste[1] mais qui, nous l’avons dit, est l’œuvre de quelque disciple de Roger Bacon. Voici, en effet, ce que nous lisons en cet ouvrage au sujet du Ciel Empyrée :

« Il est nécessaire que le premier mobile se meuve sur quelque chose de tout à fait immobile ; on l’a démontré aussi bien en Physique qu’en Mathématiques. Or cette chose immobile ce n’est pas originairement le centre du Monde, comme l’ont pensé Aristote et autres Péripatéticiens ; c’est l’orbe du ciel empyrée, qui est mmobile par toutes ses parcelles, et cela d’une manière entièrement naturelle ; c’est par rapport à cet orbe que les diverses parcelles du premier mobile et des autres sphères mobiles peuvent être mobiles ; c’est par rapport à lui qu’elles se meuvent d’une manière actuelle. C’est lui aussi, nous l’avons dit, qui est cause que le

  1. Ludwig Baur, Die philosophischen Werke Robert Grosse-Teste, Bischofs von Lincoln (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Bd. IX, Münster, 1912). — Lincolniensis Summa, cap. CCXIV, pp. 546-547.